NDLR : Nous reproduisons ici la traduction en français de la déclaration du KJA (Kongreya Jinen Azad / Congrès des Femmes Libres du Kurdistan) d’hier, 6 janvier 2016
L’Etat turc poursuit un brutal massacre depuis juillet 2015 dans les villes où les Assemblées du Peuple ont déclaré leur auto-gouvernement. Les femmes sont particulièrement ciblées où qu’elles se trouvent : au seuil de leur maison, à domicile à la table du déjeuner, dans toutes les formes de résistance contre la guerre ou dans les manifestations de masses. Le gouvernement de l’AKP, représentant de la mentalité patriarcale, est directement responsable du massacre de 89 femmes dans la dernière période.
Le Kurdistan est sous le coup d’une grande férocité : les maisons civiles et les quartiers sont attaqués, même les personnels des service de santé sont ciblés et empêchés de se porter au secours des blessés. Les dépouilles mortelles ne peuvent être enterrées depuis que les quartiers sont sous couvre-feu, alors que les proches des victimes essaient de les préserver dans les réfrigérateurs de leurs maisons. En plus de cela, des images et reportages de dépouilles torturées et traînées à l’arrière de véhicules militaires par les forces de sécurité turques sont publiés, ce qui démontre que toutes les valeurs fondées sur l’éthique et la justice sont violées.
Taybet İnan, 57 ans, a été tué le 19 décembre à Silopi (district de la province de Şırnak) dans la rue, près de sa maison. Alors que les ambulances étaient empêchées d’enlever son corps de la rue, son beau-frère, Yusuf İnan (40 ans), qui essayait de l’aider, a été frappé à mort au même endroit, et son mari Halit İnan blessé. A chaque tentative des proches de Taybet İnan d’enlever son corps, la réaction des forces de sécurité turques a été les tirs des fusils. Sa dépouille mortelle est restée dans la rue pendant huit jours.
Hediye Şen, 30 ans, a perdu la vie le 16 décembre 2015 à Cizre (district de la ville de Şırnak) alors qu’elle était dans le jardin de sa demeure, abattue par des snipers. Comme les tirs ont continué sans interruption, personne n’a pu lui porter secours pendant des heures. Sa dépouille n’a pu être transportée à la morgue de l’hôpital que le lendemain.
İsmet Gezici, 55 ans, a été tirée à mort par des snipers turcs le 4 novembre 2015 à Silvan (district de Diyarbakir) alors qu’elle tentait de porter secours à son neveu Engin Gezici (24 ans), qui était déjà gravement blessé et avait besoin d’un secours d’urgence dans la rue. Elle a perdu la vie comme son neveu.
A l’instar de Sakine Cansız, Fidan Doğan et Leyla Şaylemez, pionnières de la lutte de libération des femmes massacrées à Paris le 9 janvier 2013, aujourd’hui [5 janvier 2016], trois de nos camarades femmes, qui étaient aussi des pionnières de la résistance, ont été massacrées à Silopi. Sêvê Demir, membre du Bureau exécutif du KJA et membre de l’Assemblée du parti DBP, Pakize Nayir, co-présidente de l’Assemblée du Peuple de Silopi, et Fatma Uyar, membre du KJA, ont été exécutées dans la rue par les forces de sécurité. Notre colère et notre rage ne peuvent se traduire en mots. Nous réaffirmons que nous chérirons leur mémoire en poursuivant notre combat.
A partir d’aujourd’hui, nous nous sentons comme des Sœurs Mirabal * une fois encore assassinées à Silopi. Ces forces diaboliques peuvent couper des milliers de fleurs, elles ne pourront jamais empêcher le printemps de revenir. Les derniers mots de Sêvê Demir sont notre mot d’ordre : « Nous avons un grand espoir, la résistance vaincra. » Nous appelons toutes les femmes du monde à se dresser contre ce massacre. Nul pouvoir fasciste, raciste, despotique ne peut nous intimider !
Kongreya Jinen Azad / Congrès des Femmes Libres
6 janvier 2016
* Héroïnes de la lutte contre la dictature de Trujillo en République dominicaine, Patria, Minerva et María Tereza Mirabal ont été assassinées le 25 novembre 1960.