Yamann, LoÏc, Jean-Pierre et Bernard sont convoqués une nouvelle fois au tribunal de Toulouse le jeudi 22 septembre accusés d’"avoir entravé l’exercice normal - de 3 magasins - lors de leur activité économique". En fait, ils auraient participé à deux actions d’information à la population dans le cadre de la campagne Boycott - Désinvestissement - Sanctions. Cette campagne est, à l’image de celle du boycott de l’Afrique du Sud dans les années 80, une démarche citoyenne et non violente, initiée par la société civile palestinienne pour créer un courant d’opinion mondial en faveur du respect des droits du peuple Palestinien et pour en finir avec l’impunité de l’Etat d’Israël. Bernard, un des inculpés, répond à nos questions.
Comment expliquez-vous que votre procès ait été reporté deux fois à la demande des parties civiles ?
La campagne BDS est victime d’un harcèlement judiciaire qui a démarré en 2010 avec la circulaire Alliot-Marie qui demandait aux procureurs de poursuivre les militants et qui se renforce avec l’utilisation de l’arrêt de la Cour de cassation d’ octobre 2015. A Toulouse, les 4 inculpés sont accusés "d’entrave" avec la Licra et le BNVCA (Bureau National de Vigilance contre l’Antisémitisme) comme parties civiles. Le dossier est vide et les officines pro-israéliennes se rendent vite compte que ça ne tiendra pas la route. Le 9 décembre, elles font reporter le procès et deux nouvelles associations, Avocats sans Frontières et France-Israël, déposent une citation directe - jugée recevable - nous accusant d’"incitation à la discrimination" dans le cadre de la loi sur la presse du seul fait de la distribution et du contenu d’un tract. Le 30 juin, nous nous trouvions donc avec deux procès en un seul et une nouvelle partie civile le CRIF (5 au total), une première dans le cadre des procès contre BDS. Et une fois encore les parties civiles ont demandé le report prétextant ne pas avoir eu le temps de répondre aux conclusions de nos deux avocates.En fait un imbroglio créé par les associations sionistes.
Le 22 septembre, si la QPC (question prioritaire de constitutionnalité) - portant sur les dispositions relatives à l’entrave à l’exercice normal d’une activité économique - n’est pas retenue, le procès en première instance démarrera.
Toulouse a-t-elle une place spéciale dans la répression de la campagne BDS ?
Tout à fait. En grande partie à cause du Maire qui soutient totalement et inconditionnellement le CRIF. Le 18 mars les élus municipaux - à l’exception des élus verts et communistes et de quelques refus de participer au vote - ont voté un vœu condamnant la campagne BDS. Avec l’adoption de ce vœu, la mairie s’attaque aux libertés fondamentales d’expression et d’opinion des Toulousains. Comme il l’a souligné pendant les débats, le Maire compte désormais s’appuyer sur ce vote pour interdire l’accès aux salles municipales à celles et ceux qui voient dans cette campagne un moyen légitime pour défendre les droits des Palestiniens. Et ça n’a pas tardé, il refuse une salle au comité de soutien aux inculpéEs BDS pour une réunion prévue pour le 31 mai. Attac Toulouse qui avait demandé la salle a attaqué la décision municipale devant le Tribunal Administratif et a obtenu gain de cause. La décision du TA est des plus claires :"le maire de Toulouse a porté, dans l’exercice de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale de réunion". Preuve est faite qu’il est possible de gagner la bataille juridique.
Comment s’opposer à la répression contre le mouvement social et plus particulièrement BDS ?
Le 1er septembre comparaissaient à Toulouse deux militants syndicaux, l’un de la CGT et l’autre de Solidaires, pour "dégradation par substance incendiaire" alors qu’ils participaient à une action contre la loi Travail. Seize salariés d’Air France incriminés dans l’affaire de la chemise sont appelés à comparaître les 27 et 28 septembre à Bobigny. Les militants BDS le 22 septembre à Toulouse. Et dans les mois à venir c’est des centaines d’autres procès qui auront lieu contre des militants syndicaux qui ont participé à la mobilisation du printemps dernier. Les combats à venir contre la politique néolibérale, contre l’offensive islamophobe, contre les guerres, pour la solidarité internationale nécessitent un front uni contre la criminalisation du mouvement social. Il faut arrêter de compartimenter les ripostes à la répression. C’est le sens que nous avons voulu donner à la constitution de notre comité de soutien qui regroupe une cinquantaine d’organisations.
Au 15 dans la rue et au 22 devant le tribunal !