Le 18 mars 2016, le maire de Toulouse M. Jean-Luc Moudenc a fait introduire, par son adjoint M. François Chollet, un projet de vœu visant à condamner le mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) contre Israël. Cette lettre s’adresse à tous les ConseillerEs. Elle a pour objet d’expliquer voire de dévoiler les mensonges et omissions de MM. Chollet et Moudenc qui ont aidé à faire adopter ce vœu.
Rappelons d’abord que la campagne BDS est une campagne internationale contre Israël jusqu’à ce que cet État se conforme au droit international. C’est une campagne fondamentalement non-violente et antiraciste qui s’inspire du boycott qui avait contribué à mettre fin à l’Apartheid en Afrique du Sud. Elle vise l’impunité de l’État d’Israël, condamné sans effets par de très nombreuses résolutions internationales et par la Cour Internationale de Justice, et dénonce la politique coloniale, les persécutions et la répression constante que subit le peuple palestinien.
Non M.Moudenc, le boycott d’Israël n’est pas illégal en France.
Comme quoi on peut être « premier magistrat de la ville » et fâché avec le droit. La Cour de Cassation s’est prononcée en octobre 2015 (la Cour de Cassation faut-il le rappeler n’est pas législatrice) pour dire que l’appel au boycott des biens de consommation produits en Israël pouvait s’analyser en une provocation à la discrimination en raison de l’appartenance nationale et non pas raciale ou religieuse. Mais la Cour de Cassation n’a pas interdit le boycott des produits des colonies israéliennes ou les appels au boycott universitaire, syndical, artistique ou sportif des institutions israéliennes. Comme elle n’a pas interdit l’appel au boycott de l’apartheid israélien et/ou des produits issus d’une politique coloniale d’occupation.
Comme nous pouvons nous en rendre compte, la situation est bien moins simple que ce que M. Moudenc voudrait faire croire. Par ailleurs, l’arrêt de la Cour de Cassation ne fait pas jurisprudence et les décisions judiciaires concernant l’appel au boycott des produits israéliens sont contradictoires. Des tribunaux, jusqu’à la Cour d’Appel de Paris, l’ont jugé conforme à la loi et relevant de la liberté d’expression. Ainsi le TGI de Pontoise déclarait en décembre 2012 : : « Cet appel au boycott est en réalité une critique passive d’un État, critique relevant du libre jeu du débat politique qui se trouve au cœur même de la notion de société démocratique. ».
Le motif principal du vœu : l’interdiction de la liberté d’opinion et d’expression pour le mouvement BDS.
Lors du débat sur le vœu, Monsieur Moudenc a été très clair sur ce qui le motivait en présentant ce vœu : « En ce qui me concerne, je suis très attaché à la dernière phrase : ‘appuie le refus d’accueillir dans des établissements publics ou subventionnés de la ville de Toulouse des événements visant à promouvoir le boycott d’Israël’. Je crois que c’est la phrase qui m’intéresse, la phrase locale, c’est la phrase qui renvoie à l’action municipale, au rôle de la mairie ».
Nous pensions que le rôle d’un maire républicain est de garantir les débats démocratiques. Pas du tout. M. Moudenc n’a pas attendu le vote du vœu pour interdire une réunion publique le 31 mars 2015 salle Barcelone pour un débat en présence de M.Farid Esack, dirigeant de BDS South Africa, ancien compagnon de route de Nelson Mandela.
Les dispositions applicables au droit de réunion en particulier dans des salles municipales, c’est-à-dire appartenant à la communauté des citoyens, sont très claires. Le principe en la matière selon une jurisprudence constante reste la liberté. Et nous espérons pouvoir dire « même à Toulouse ».
Dans le cadre de la coalition BDS , le NPA a présenté une demande d’indemnisation du préjudice découlant de l’illégalité de la décision édictée par le Maire le 31 mars. La Mairie n’y a pas répondu. Le NPA a alors introduit un recours en annulation et en indemnisation auprès du Tribunal Administratif de Toulouse. La Ligue des Droits de l’Homme s’est constituée intervenante volontaire au soutien de cette requête. Nous serons amenés à en reparler.
Pour finir, nous tenons à exprimer notre accord avec les ConseillerEs qui ont refusé de participer au vote, en connaissance du fait qu’il n’est pas du ressort de personne, et certainement pas d’une municipalité de décider de qui a le droit de s’exprimer. Ce vœu vise à bâillonner une expression sur une question hautement politique, alors qu’il n’est pas de démocratie sans liberté d’expression. Et bien entendu, nous remercions les ConseillerEs qui ont voté contre ce vœu en en dévoilant certains ressorts, assurés qu’ils seront à nos côtés pour défendre la liberté d’opinion et d’expression.
Quelles conclusions ?
Alors que le vœu similaire adopté à Paris n’appelait pas à des interdictions et que celui présenté à Grenoble a été repoussé, M. Moudenc porte la lourde responsabilité d’avoir placé notre ville à l’avant poste de la complaisance avec les consignes anti-BDS émanant de l’État israélien, relayées par le lobby israélien en France et à Toulouse.
M. Moudenc restera personnellement responsable de l’usage qu’il voudra faire de ce vœu afin d’empêcher la libre expression d’un mouvement entièrement orienté vers la justice dans une région où elle fait si gravement défaut : la Palestine.
La campagne BDS contestera, publiquement et sur le plan judiciaire, toute décision qui chercherait à lui interdire la liberté d’expression et de réunion. Personne ne nous fera taire. Et pour commencer, nous serons très heureux d’accueillir dans notre ville le 11 avril Shlomo Sand, professeur à l’Université de Tel Aviv, partisan lui aussi du boycott d’Israël, pour un débat « de la judéophobie à l’islamophobie » auquel nous vous convions.
Le comité BDS France Toulouse propose une rencontre à chacun des groupes du conseil municipal pour apporter au débat toutes les précisions que ceux-ci jugerons nécessaires.
PS : A propos du climat nauséabond dans notre ville, nous n’avons pas entendu la municipalité de Toulouse condamner l’agression d’un commando pro-israélien contre le cinéma Utopia en janvier. Mieux, le président du CRIF, ami personnel de M. Moudenc, a condamné... le cinéma qui organise des débats qui ne lui plaisent pas. Ce commando qui sévit violemment sur la ville depuis bientôt deux ans, a agressé en janvier 2015 deux militants BDS, et est bien connu de la police...