Alain Lafontan, maire de Juzet-de-Luchon a choisi de parrainer Philippe Poutou notre candidat ouvrier et anticapitaliste à l’élection présidentielle. Il a accepté de répondre à nos questions.
T. L. Accorder son parrainage à Philippe Poutou n’est pas chose évidente : nous représentons un courant minoritaire… Pouvez-vous nous dire les raisons pour lesquelles vous avez décidé de le lui accorder ?
A. L. Oui c’est vrai que la démarche pour accorder son parrainage est déjà difficile et pour se rallier à une cause que la majorité des gens ignore est encore moins évident. Lorsque l’on m’a présenté le candidat Philippe Poutou, je n’avais jamais entendu parler de lui, par contre son prédécesseur avait été un peu plus médiatisé ce qui m’a permis de le placer dans le paysage politique. Parrainer un candidat si peu connu… Est-ce qu’en soit ce n’est pas déjà beau de permettre à une personne d’exposer ses idées et de pouvoir les opposer à celles des candidats importants, issus des partis politiques historiques qui sont certains d’obtenir les 500 signatures et de pouvoir s’exprimer devant une majorité d’électeurs.
Il y a de multiples raisons et je ne peux pas dire que j’adhère à toutes les idées défendues par Philippe Poutou, mais ce qui est certain c’est qu’aujourd’hui je suis au regret de constater que les candidats qui se présentent à nous sont des professionnels de la politique qui vivent exclusivement de ça et qui ne savent même pas les préoccupations des gens qu’ils sollicitent pour obtenir leur bulletin de vote. Ils sont tellement en dehors de la réalité que l’on voit un des candidats se conforter dans le fait qu’il a employé sa femme et ses enfants pour des tâches qu’il a par ailleurs du mal à justifier mais surtout pour des sommes qui relèvent pour nous, petits salariés, des gains du loto. Ces gens-là en plus veulent juste s’ils sont élus nous imposer de travailler 3 ou 4 ans de plus pour avoir une retraite de misère. Bien que fonctionnaire derrière un bureau aujourd’hui je suis maçon de métier et je pense à cet ouvrier qui a posé du carrelage toute sa vie et à qui on va demander de travailler quelques années de plus pour que des politiciens puissent profiter un peu plus de son travail. La présentation que j’ai eue de Philippe Poutou est bien opposée à cette façon de voir les choses et c’est pour cela que les personnes qui s’opposent à ces carriéristes ont toute mon estime.
T. L. Comment se traduit pour la population l’abandon par l’État des collectivités locales ?
A. L. Les communes se retrouvent aujourd’hui avec face à elles une administration qui devient de plus en plus exigeante : rendre accessible le domaine public à tous, être conformes à toutes les règles de sécurité, utiliser des produits agréés, une multitude de contraintes et des recettes par ailleurs qui se réduisent d’année en année [Baisse des dotations de l’Etat à l’ensemble des collectivités territoriales. NdE]. Des impôts prélevés par l’Etat de plus en plus élevés et nous qui, dans ce contexte, avons beaucoup de scrupules à augmenter les locaux. Où allons-nous ? Sauf à la catastrophe… Lorsque nous n’aurons plus les moyens d’entretenir notre petit patrimoine (une mairie et une église dans la plupart du temps), nous allons tout fermer et en tant que maire responsable de presque tout sur la commune prier que rien n’arrive. Et n’oublions pas qu’en toile de fond ce que veulent ces énarques c’est supprimer toutes ces communes, leur maire et leur conseil municipal… Pour preuve la fameuse loi NOTRe avec petit à petit les compétences qui passent des mairies aux communautés de communes. N’ayez pas peur, il restera toujours une petite place pour les maires car ils sont des fonctionnaires qui coûtent très peu, corvéables à merci et responsables devant les tribunaux s’ils n’ont pas respecté les règles édictées. Et puis nous, pauvres petits maires de campagne, nous pourrons toujours crier à la manipulation (comme certains candidats aujourd’hui, Fillon, Macron, Le Pen et compagnie), mais nous serons jugés sans ménagement. Bien entendu c’est le maire qui vient s’exprimer sur cette question et non pas la population du village mais au travers des retours que nous avons de nos administrés c’est l’idée d’abandon des communes, surtout les petites, qui ressort en premier pour favoriser toutes sortes de budgets qui ne nous apportent rien.
T. L. Que diriez-vous à un maire d’une petite commune comme la vôtre pour l’encourager à donner son parrainage à Philippe ?
Il y en a assez aujourd’hui de ces gens qui, vus d’ici, n’ont qu’un seul but, c’est d’obtenir une place de président, députés, sénateurs et autres ministres, pour pouvoir subvenir non seulement à leur besoin mais aussi à celui de toute leur famille et amis. On dirait qu’ils sont même bien copains en dehors des périodes électorales. Une fois que les rôles sont distribués, ils vont attendre les prochaines élections en faisant en sorte de se préparer le terrain pour être sûrs d’être une nouvelle fois les lauréats. Ils vont calculer comment nous laisser juste ce qui faut pour vivre pauvrement pour pouvoir eux profiter de nos impôts mais ils vont tout de même laisser des parts de gâteau aux banquiers, actionnaires dans diverses boîtes et autres parasites qui vivent aux dépens de ceux qui travaillent de leurs mains.
Si vous aussi, maire d’une petite commune, mais surtout ouvrier, salarié, vous n’en pouvez plus de voir toutes ces magouilles et la manière dont ces politiciens se moquent de nous, donnez votre parrainage à Philippe Poutou. Ainsi vous serez certain de ne pas mandater un nouveau pique-assiette. Au pire, vous allez montrer que vous n’êtes plus d’accord avec ce qui ce passe aujourd’hui et, au mieux, vous allez permettre à une personne issue de notre monde, avec les mêmes soucis que nous de faire savoir au plus grand nombre qu’il existe autre chose comme vie que de se laisser tondre et mener à l’abattoir comme des moutons.
T. L. Un dernier mot ?
A. L. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voté pour le PS, par opposition à la droite sans doute mais aussi parce que les discours qu’ils avaient étaient plus proches de mes idées sans être utopistes. Depuis plusieurs années j’ai fait un peu plus attention au suivi de ces promesses électorales et là j’ai été forcé de constater que, de droite comme de gauche, c’était pareil. On nous prend sans aucun doute pour des crétins. Nous ne devons plus accepter qu’avec l’argent de nos impôts on fasse n’importe quoi. Que sans aucune vergogne on puisse dilapider l’argent public sans s’assurer qu’il est utilisé sans risque et bien entendu sans se servir au passage et surtout sans en donner à la pelle aux patrons. Pourquoi tant de parlementaires quand on voit ce qu’ils font, dormir dans l’hémicycle ou au Sénat, ou même absents, mais bien plus payés que la plupart des travailleurs et ce grâce à nos impôts et en plus avec les avantages qui vont avec.
Je pense qu’aucun maire ne devrait parrainer un candidat qui va faire en sorte de lui retirer petit à petit les aides de l’Etat que, lui, utilisait sans gaspillage, et ce, pour financer des projets sans but et sans retour pour la majorité d’entre nous.
Je n’ai rien d’un révolutionnaire, mais je suis forcé de dire qu’aujourd’hui « il y en a marre ».
Propos recueillis par Tom L.,
Juzet-de-Luchon, le 11 mars 2017