Le 19 novembre 2015 par Mauro Gasparini - Source lcr-lagauche.org
Les habitant.e.s d’Europe occidentale ont rarement ressenti un tel effroi qui fait le quotidien atroce dans un certain nombre de pays dont le régime autoritaire ou les guerres sont pourtant influencés par nos gouvernements. Après les attentats de Paris, les plus meurtriers en Europe depuis ceux de Madrid en 2004, la solidarité s’est exprimée un peu partout dans le monde avec les victimes et leurs proches. Il est aussi essentiel de souligner les témoignages de solidarité particulièrement forts provenant de nombreux coins de Syrie, ce pays martyrisé à la fois par le régime d’Assad, par Daesh (acronyme de l’organisation « Etat Islamique »), et par les différentes frappes étrangères. Ainsi, on a pu voir des veillées de solidarité à Douma assiégée par le régime mais aussi des déclarations des comités locaux de coordination, des activistes de Kafranbel, et d’une cinquantaine de brigades de l’Armée Syrienne Libre.
Au-delà de l’émotion et de l’état de choc, légitime et humain, nous devons aujourd’hui essayer de comprendre et relever notre niveau de vigilance au maximum face à toutes les manœuvres des classes dominantes suite à ces attaques. Des débats ont déjà agité les réseaux sociaux suite à l’initiative de Facebook de proposer un drapeau français en filigrane des photos de profil, ou encore pour soulever le traitement inégal des morts d’autres catastrophes. Ce sont des questions légitimes. Pour pouvoir trouver une réponse démocratique et sociale à cette horreur, nous devons aussi identifier ce qui nous a mené à cette tragédie.
Nos camarades du NPA en France ont subi les outrances de plusieurs commentateurs pour avoir utilisé le slogan « Vos guerres, nos morts ». Il est vrai que celui-ci peut laisser place à une interprétation malhonnête. Mais quel est le sens de cette expression ? « Leurs guerres », ce sont celles de Hollande, Poutine, Assad, Obama, Erdogan, etc. dans lesquelles nous sommes entraînés de gré ou de force. « Nos morts », ce sont l’immense majorité des victimes -surtout arabes et musulmanes- : des gens ordinaires, les classes populaires. Et c’est bien de cela qu’il s’agit. C’est bien avec ces victimes que nous formons un « nous » et non pas, comme le prétendent Hollande et Cie, autour des « valeurs » et « identité » françaises.
D’ailleurs de quelles valeurs, de quelle identité parle-t-on ? L’« Occident », dont la France n’est pas la moindre composante, mène -sous l’égide des USA ou non- des guerres impérialistes depuis plusieurs décennies au Moyen-Orient. Si la barbarie de Daesh choque, de Paris à Beyrouth en passant par Ankara, Raqqa et l’Egypte (où Daesh a fait exploser un avion civil russe), la barbarie des drones américains ou des bombardements russes au phosphore blanc, sans parler de la violence de la répression sioniste en Palestine, n’ont rien à lui envier en termes d’aveuglement et d’atrocités contre des civils et innocents. Nier toutes ces souffrances et ne parler que de Daesh, c’est alimenter sa propagande.
A cela s’ajoute l’islamophobie d’Etat, qui est bien plus forte encore en France qu’ailleurs[1], l’Hexagone n’ayant jamais su traiter les plaies de l’héritage colonial, bien au contraire. Nombre de médias ont oublié que le plus grand massacre en France depuis 1945 ne fut pas ce sombre 13 novembre 2015, mais bien le 17 octobre 1961. Ce jour-là, le terrorisme de l’Etat français a assassiné plusieurs centaines de manifestant.e.s algérien.ne.s protestant contre le couvre-feu raciste qui leur était imposé.
Ces éléments mettent en lumière une partie des origines du problème et éclairent ainsi les raisons pour lesquelles la France est une cible idéale dans la stratégie de la tension menée par Daesh. Mais ce n’est pas tout. Pour mieux comprendre, il est tout aussi indispensable de se pencher sur la nature et les origines de Daesh. Au départ scission au sein d’Al-Qaeda, Daesh est le produit de plusieurs facteurs. D’abord, c’est l’alliance entre des secteurs de l’appareil sécuritaire du parti Baath irakien avec des intégristes sunnites en résistance contre l’occupation américaine de l’Irak, suite à une guerre qui devait déjà « mettre fin au terrorisme ». A ceux-ci se sont joints les militant.e.s radicaux islamistes[2] relâchés par le régime syrien des Assad en 2011, dans le but de forcer un retournement sectaire de la révolution populaire massive à laquelle il faisait face pour ouvrir ainsi un nouveau front contre la rébellion naissante tout en concrétisant sa propagande internationale qui prétendait que seule sa dictature pouvait « tenir » le pays. Enfin, la troisième cause du succès relatif de Daesh se trouve dans le nombre de candidats jihadistes qui quittent leur pays pour rejoindre l’organisation.
Daesh n’est pas un mouvement « fasciste » au sens strict, bien qu’il ait des points communs avec ceux-ci, en premier lieu l’ultra-violence nihiliste et l’exaltation de la mort. C’est aussi le fruit pourri des régimes fascisants locaux et du (néo-)colonialisme. La France, et plus généralement l’Occident, sont clairement impliqués à travers ces trois facteurs qui lui ont donné naissance, et pas seulement pour leur participation ou leur soutien à la guerre et l’occupation de l’Irak. Rappelons que les interventions impérialistes immédiates de la Russie et son partenaire iranien pour soutenir la dictature capitaliste des Assad, et l’isolement du peuple syrien face au manque de solidarité internationale ont joué un rôle majeur dans la dégénérescence de la révolution syrienne en une atroce guerre civile. Enfin, c’est aussi dans nos sociétés mêmes, en France comme en Belgique entre autres, que se trouvent des sources sociales et politiques qui font vivre Daesh.
La Belgique est fortement touchée par le jihadisme[3]. Ce n’est généralement pas la religion qui motive le départ vers des organisations comme Daesh et le passage à l’acte. La religion est un vecteur de la radicalisation, pas sa cause. Abdelhamid Abaaoud, l’un des organisateurs présumés des derniers attentats, a fait ses études dans un lycée assez prestigieux, le collège Saint-Pierre d’Uccle, et n’allait pas à la mosquée. Nombre des jihadistes sont plutôt en recherche de gloire, notamment sur les réseaux sociaux, ou d’une cause, et en quête d’identité Et il ne faut pas s’étonner que des groupes ultraradicaux finissent par séduire quelques individus quand on constate le mépris odieux et raciste qui s’exprime tous les jours à travers l’appareil répressif d’Etat, quand l’humiliation se mêle au musèlement de l’action politique. Les jeunes issus de l’immigration postcoloniale et de culture musulmane, en particulier celles qui portent le foulard, sont écrasé.e.s par les discriminations racistes à l’école, sur le marché du travail, dans les loisirs, harcelé.e.s et réprimé.e.s par la police, stigmatisés par les médias et politiciens[4]. . Ceux qui sont pris dans le système carcéral inhumain -dont ils composent la majorité des détenus alors que la criminalité n’est pas plus forte dans leur communauté- se retrouvent aussi dans des fabriques du désespoir et des terrains propices au recrutement dans des filières intégristes.
Le foyer de Daesh est en Syrie et en Irak, avec des partenaires en Egypte, en Lybie, ou encore au Nigéria (Boko Haram). S’ils recrutent ailleurs, leur projet d’expansion territoriale a ses limites. N’ayant quasiment aucun soutien chez les musulman.e.s d’Europe qui payent le prix de ses horreurs, Daesh ne peut donc pas gagner son grand califat. Mais il n’en est pas moins dangereux et les réponses actuelles des gouvernements européens sont tout aussi incapables de le vaincre.
La réaction de la classe politique française, Hollande et Valls en tête, est comme on pouvait le craindre un immense cadeau à Daesh, et surtout un jeu de dupes où pour donner l’illusion de sécurité, l’appareil de répression étatique voit son pouvoir nettement renforcé. L’Etat d’urgence a été décrété dès vendredi. Dans son discours au Congrès lundi, Hollande a repris une rhétorique guerrière pour défendre « l’idée de la France » (sic), une rhétorique à laquelle nous n’étions plus familiers depuis l’ère de la présidence Bush Jr à la Maison Blanche. « Le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité », a-t-il affirmé. Une nouvelle preuve que l’austérité et le respect des traités européens est un choix politique : le déficit public a encore un sens, mais pour la guerre et la répression uniquement. Là aussi, on retrouve les choix faits par Bush Jr après le 11 septembre 2001.
Ce pacte de sécurité ne fera que créer plus d’insécurité sociale, et de sentiment d’insécurité tout court, à se balader dans des rues bardées de policiers surarmés et de militaires. La liste des mesures prises signale un tournant autoritaire brutal de la part du président français, qui envisage même de modifier la Constitution pour faciliter la mise en œuvre de mesures d’exception. Il propose de prolonger l’Etat d’urgence de trois mois, du jamais vu depuis des décennies. L’Etat d’urgence implique la possibilité pour le pouvoir exécutif (donc sans contrôle du judiciaire) d’interdire toutes les manifestations, rassemblements, réunions publiques, spectacles, et d’instaurer le couvre-feu, des interdictions de séjour, l’assignation à résidence, les perquisitions à domicile de jour et de nuit, le contrôle de la presse et de la radio…et cerise sur le gâteau, le « refus de se soumettre » peut mener à deux mois de prison et une amende de 3 750 euros. Hollande a aussi annoncé la création de 5 000 postes de policiers et gendarmes d’ici 2017 (qui sont désormais autorisés à porter leur arme hors service), plus 2 500 postes pour la justice (gardiens de prison inclus), 1 000 postes pour les douanes, et une discussion sur le « droit à la légitime défense » des policiers. Ça, c’est pour le renforcement de l’appareil répressif et l’impunité de la police. Par ailleurs, il a annoncé des mesures racistes également : la déchéance de la nationalité pour les binationaux nés français et l’accélération des expulsions pour les étrangers « qui représentent une menace ».
Sur le plan international, Le Drian, ministre français de la Défense a reçu le soutien des 28 membres de l’UE pour son appel à l’assistance sécuritaire et militaire en vertu du traité de Lisbonne. Mais là aussi, Hollande enfonce un peu plus la France dans une politique extrêmement nocive. Il a ainsi affirmé que si formellement la France continue de défendre le départ d’Assad en Syrie, « notre ennemi, c’est Daesh. » Il a appelé à une coalition internationale et veut pour ce faire discuter avec les USA, l’Iran, les pays du Golfe, la Turquie, et la Russie, soit les responsables de la catastrophe syrienne qui fait le bonheur de Daesh. Poutine a réagi immédiatement favorablement, affirmant que la France est son « alliée », alors qu’il admettait enfin, à point nommé pour lui, que Daesh était bien responsable de l’explosion d’un vol civil russe il y a deux semaines au-dessus du Sinaï.
Pour celles et ceux qui ont suivi l’orientation du FN ces dernières années, ce ne sera pas une surprise de voir que le grand parti d’extrême-droite française a salué les « bonnes inflexions » de Hollande. « Le Président reprend certaines de nos propositions et j’en suis très heureuse… », a ainsi réagi Marion Maréchal Le Pen du Front National. Que ce soit sur le plan intérieur ou extérieur, Hollande fait un virage radicalement à droite, au point que Les Républicains ne savent pas comment critiquer celui-ci. Même quand Sarkozy a proposé la mise en résidence surveillée préventive, avec bracelet électronique, de 11000 « extrémistes présumés », Hollande ne s’y est pas opposé et a renvoyé la proposition au Conseil constitutionnel ! La parole raciste se libère toujours un peu plus, avec l’infâme Eric Zemmour qui appelle à « bombarder Molenbeek », et dans un registre différent, Geoffroy Roux de Bézieux, le vice-président du Medef, demande aux patrons de « signaler à la police » les signes de « radicalisation religieuse » des travailleur.se.s ! Les actes islamophobes se multiplient en France, comme après les attentats de janvier, contre les mosquées, les personnes de couleur, etc. Et la répression bat son plein avec des expulsions de squat avec unité spéciales, en pleine trêve hivernale, près de 300 perquisitions depuis vendredi, dont même pas une dizaine liées à l’enquête, et le saccage d’une mosquée d’Aubervilliers par la police également, sans compter l’intimidation de militant.e.s dont un camarade du NPA à Millau.
La conclusion est limpide : aucune leçon n’est tirée de la période d’après le 11 septembre, et les dirigeants des grands pays capitalistes jettent de l’huile sur le feu. Hollande, opportuniste, espère gagner en popularité avec son statut de chef de guerre, mais oublie que les électeurs préfèrent l’original à la copie. Le Pen se pourlèche les babines. Seule lueur d’espoir : un groupe d’extrême-droite qui voulait inflitrer une commémoration aux victimes du 13 janvier s’est fait expulser par des centaines de personnes hurlant « dégagez, fascistes ! ».
En France et au-delà, les poussées guerrières et racistes sont impressionnantes. Les nouvelles interventions en Syrie sont présentées comme des réactions de solidarité avec la France. Les musulman.e.s et les migrants subissent particulièrement les conséquences des attentats. Des mosquées et des centres d’accueil pour réfugié.e .s sont attaqués, près de la moitié des Etats-Unis ainsi que la Pologne annoncent officiellement leur refus d’accueillir des réfugiés syriens, le président tchèque participe carrément à une manif anti-Islam…
En Belgique, la folie sécuritaire s’emballe aussi. On l’a vu, le pays est pointé du doigt par la presse et les politiciens pour avoir hébergé de présumés terroristes. Des communes comme Molenbeek sont stigmatisées et voient débarquer des hordes de journalistes en quête de scoop. Jan Jambon (N-VA) propose de « s’occuper personnellement » de Molenbeek et de la « nettoyer » (sic). La police et l’armée n’ont pas attendu la décision d’un plan de prévention et de répression pour patrouiller et accumulent les bavures. Une famille a par exemple été arrêtée et son appartement saccagé… par erreur. .
Plus largement, le MR a tout de suite embrayé sur le discours de Hollande, en affirmant que la Belgique aussi est « en guerre ». Une guerre dans laquelle le gouvernement Di Rupo « en affaires courantes » nous a emmenés en septembre 2014. Les appels à l’unité nationale se sont multipliés aussi chez nous, et dans le cas de Molenbeek, le PS ne s’oppose à l’ingérence du ministre de l’Intérieur que pour défendre…l’unité municipale entre les partis. Derrière, l’extrême-droite s’agite : Nation veut manifester à Molenbeek mais la bourgmestre interdit l’évènement, et des groupes d’extrême-droite islamophobes comme Pegida sont eux autorisé à parader à Anvers avec le soutien du Vlaams Belang et l’autorisation de De Wever.
Il y a quelques jours, De Wever voulait supprimer le Sénat et investir tout son budget dans la Sûreté de l’État, Rudi Vervoort (PS) annonçait déjà des « moyens financiers inédits pour les zones de police » et la sécurité dans les communes en 2016 et après, Onkelinx (PS) plaidait pour un renforcement de l’appareil sécuritaire européen, le Cdh Georges Dallemagne, en visite de courtoisie chez Assad récemment, proposait de surveiller plus les réseaux sociaux. Le gouvernement a maintenant décidé, notamment, de consacrer 400 millions d’euros pour la sécurité et la lutte contre le terrorisme dans le budget 2016, de déployer 520 militaires dans les rues, de réviser le code d’instruction criminelle et la constitution pour renforcer les politiques sécuritaires (méthodes de recherche, garde à vue, perquisitions, fichage, contrôle de données, …), d’emprisonner les jeunes qui reviennent de Syrie, d’adapter les législations liées à l’état d’urgence pour permettre des mesures d’exception,…
Sur le plan international, le gouvernement a décidé de renforcer son intervention en Syrie avec une escorte du porte-avion français Charles de Gaulle et avec des frappes aériennes en rotation avec les Pays-Bas. Seul Ecolo a mis en avant la nécessité de sortir de la dépendance aux énergies fossiles pour arrêter d’enclencher ce genre de « guerres contre le terrorisme ». Le PTB appelle pour sa part à attaquer Daesh en rompant les liens avec l’Arabie Saoudite, en fermant le robinet d’arrivée d’argent et d’armes… et en réunissant toutes les forces anti-EI, Assad compris donc.
Tout cela n’est pas sans conséquences sur le mouvement social en France et chez nous, notamment. Chez nos voisins, depuis ce week-end il y a déjà eu annulation ou report de grèves (Air France, hôpitaux, aiguilleurs du ciel, enseignants du 93, finances), ainsi que de la grève générale à Mayotte. Le sommet internationaliste pour un plan B européen, appelé par le Parti de gauche avec la participation d’autres forces comme l’Unité populaire (Grèce) a été annulé par conséquence directe de l’État d’urgence et de la fermeture administrative de l’université hôte. Le bras de fer se poursuit entre le mouvement pour la justice climatique et le gouvernement autour de la COP21, dont les manifestations sont interdites, alors que la coalition des mouvements sociaux a annoncé son intention de maintenir ses actions. On rappellera que, tandis que le redémarrage ultra-dangereux des centrales fissurées de Doel 2 et Tihange 3 chez nous vient d’être approuvé, le dérèglement climatique pourra causer un nombre incalculable de victimes (et il y en a d’ores et déjà des milliers).
En Belgique, les pouvoirs publics ont annulé le match de foot avec l’Espagne, ainsi que la fête du folklore étudiant bruxellois, la Saint-V. Le PTB a reporté quant à lui volontairement sine die sa deuxième ProtestParade, prévue dimanche dernier. La FGTB , si elle maintient la grève du Hainaut, a annulé les manifestations et concentrations publiques, tout en affirmant qu’on « ne peut répondre au radicalisme que par la peur et la solidarité » (sic).
Ce genre de réactions est extrêmement problématique. Cette paralysie et cette neutralisation du politique au profit du sécuritaire est précisément ce que recherche Daesh, un élément de la contre-révolution au Moyen-Orient qui sert partout la réaction mondiale dont il se nourrit. Il est plus que jamais vital de faire de la politique, de se mobiliser, de se ressaisir et de ne pas laisser la main aux Etats capitalistes.
De même, nous devons faire extrêmement attention aux fausses informations et théories conspirationnistes qui circulent comme toujours dans ces situations sur les réseaux sociaux. La manipulation de la propagande basée sur l’effroi de Daesh fonctionne déjà. Assad peut massacrer quotidiennement l’équivalent des victimes de Paris, et même gazer 1500 syrien.ne.s, il garde son costume-cravate, et reste…propre. Il a tous les faux-semblants de la civilisation alors qu’il est responsable de 95% des victimes civiles en Syrie, et principale cause de l’exode des syrien.ne.s. Là encore, méfions-nous du message de Daesh, qui utilise de faux passeports syriens pour casser la solidarité avec les réfugié.e.s qui s’est exprimée cet été dans de nombreux pays européens, la Belgique n’étant pas la dernière.
Les projecteurs et les avions de combats braqués sur Daesh en font un mythe, le seul « vrai ennemi de l’Occident ». Cela sert à fond Assad et l’extrême-droite en Europe, son supporter n°1. Pire encore, aucune des réponses sur la table des gouvernements européens n’offre une solution aux populations sunnites (80% de la population en Syrie).
Nous l’écrivions déjà en septembre 2014 lorsque la Belgique a décidé de participer à la guerre contre Daesh en Irak :
« C’est la responsabilité des forces de gauche et des forces du mouvement social de contribuer à faire entendre la solidarité entre les peuples contre toutes les barbaries. (…) La guerre contre Daech et Al-Nusra a déjà augmenté la popularité de ces forces dans la région. Elle renforce un climat étouffant de paranoïa islamophobe et raciste dans le monde entier, qui profite à l’extrême-droite et aux classes dominantes en Europe, en pleine crise économique. Pour sortir de cette spirale mortelle, le rôle de la gauche radicale et anti-impérialiste est de réaffirmer notre soutien aux forces populaires, démocratiques et de gauche dans la région, aux structures d’auto-organisation qui n’ont toujours pas disparu en Syrie malgré le déchaînement contre-révolutionnaire. (…) Nous devons combattre toutes les lois liberticides « antiterroristes » et les lois racistes contre les musulman.e.s. (…) Nous devons exiger que l’impérialisme retire toute ses bases militaires de la région, que ce soit les bases américaines ou celle de la Russie à Tartous (Syrie). Nous devons tout faire pour imposer une paix juste et durable en Palestine (…) Enfin, nous devons réclamer que les forces démocratiques qui combattent en ce moment Daech sur le terrain, puissent bénéficier de tous les moyens (équipements, soins, nourriture, armement) nécessaires à leur auto-défense, et qu’elles puissent rester souveraines dans l’utilisation de ces moyens contre les régimes oppresseurs de la région. »
Sur le plan international, en-dehors de la Syrie, il s’agit aussi de combattre toutes les dictatures de la région, comme l’Egypte de Sisi, mais aussi le régime autoritaire et violent d’Erdogan, sans oublier les pétromonarchies du Golfe et la théocratie capitaliste iranienne.
Au-delà, nous devons aussi nous opposer, ici, à la discrimination à l’emploi, au logement, lors de l’inscription scolaire, etc. Et soutenir toutes les initiatives pour la paix, contre les forces réactionnaires et d’extrême-droite, pour la solidarité telle que celle qui a déjà eu lieu, avec un grand succès, mercredi dernier à Molenbeek. Il est aussi essentiel que le mouvement social détermine lui-même l’agenda social et politique. Ce n’est qu’en rompant avec la politique libérale-sécuritaire-impérialiste au profit d’une alternative anticapitaliste avec des mesures d’urgence sociale et environnementales immédiates que nous pourrons aller au fond du problème d’absences de perspectives en termes de logement, d’emploi, etc. Nous insistons sur la gravité de la situation si les directions syndicales persistent dans l’impasse de la stratégie du retour à la concertation. Combinée à l’offensive sécuritaire de la bourgeoisie aidée par Daesh, cette orientation risque d’amener le mouvement syndical à un effondrement et, à travers cela, de basculement des rapports de forces sur tous les plans, démocratique, social, politique…
Comme l’a souligné l’activiste et auteur britannique Kevin Ovenden, la lutte contre la guerre et le racisme sont essentielles aujourd’hui pour deux raisons : elles seules sont capables de stopper la descente aux enfers collective, et elles peuvent créer un mouvement qui nous redonne confiance dans nos propres capacités collectives. Les gouvernements et les forces de l’ordre capitaliste défendront que nous sommes utopistes, si pas des traîtres ou des illuminés incapables de vaincre la terreur. Mais depuis le 11 septembre 2001 ce sont eux qui ont échoué et leurs solutions d’aujourd’hui ne sont que la continuation de ces échecs. Les solutions immédiates que nous proposons ne sont que partielles et dans un certain sens, d’opposition : arrêter le cycle des barbaries impérialistes, de l’austérité néolibérale et des monstres qu’elles nourrissent.
La solution fondamentale à ces fléaux requiert un changement de cap global et radical tant sur le plan intérieur que sur le plan international. Les actions de l’industrie militaire et de surveillance ont bondi ce lundi sur les marchés financiers, les capitalistes sont alléchés par les nouvelles perspectives. Même chose pour la demande d’agents de sécurité privée chez nous. Le capitalisme et les impérialismes en crise sont précisément des cultes de mort nihilistes. Nous vivons un stade de plus en plus violent et dangereux de leur agonie. Le choix qui s’annonce devant nous pour ce siècle est le suivant : un monde éco-socialiste ou la quasi-extinction de l’humanité. Il faut les achever avant qu’ils n’emportent l’humanité dans leur chute.