dimanche 31 janvier 2016, par ROUSSET Pierre
Cette contribution a été écrite pour la revue de DEA en Grèce. Bien que déjà longue, elle n’a pas la prétention de traiter tous les aspects de la question. De plus, c’est le genre d’article qui n’est jamais fini, qui devrait être encore et toujours retravaillé. Il vise avant tout à stimuler une réflexion collective sur les enseignements des succès et des échecs de la fondation du NPA.
Sommaire
I. « Faire du neuf », une nécessité
II. Succès, stagnation, régression
III. Engagement et fonctionnement
En ce qui concerne les gauches radicales européennes, le débat porte essentiellement sur les grandes expériences qui ont marqué l’actualité politique et électorale contemporaine ; à commencer par la Grèce (Syriza), l’Etat espagnol (Podemos), le Portugal (Bloc de gauche) – ou encore Die Linke en Allemagne, Refondation en Italie et l’Alliance rouge-verte au Danemark (RGA), etc. C’est évidemment justifié. Cependant, d’autres tentatives pour « faire du neuf » méritent d’être analysées, même si elles ont connu des succès bien moindres ou plus temporaires. Elles donnent matière à penser en rapport à des situations nationales plus variées.
L’important est que la tentative de « faire du neuf » soit ou ait été réelle plutôt que cosmétique. C’est le cas du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) français, en 2009. Certes, l’initiative n’a été lancée que par la seule Ligue communiste révolutionnaire (LCR), mais cette dernière s’est autodissoute à l’occasion d’un congrès spécial. Nous savions – au moins certains d’entre nous –, que nous franchissions un Rubicon : quoi qu’il arrive, il n’y aurait pas de retour possible à la situation antérieure. La suite des événements a montré qu’il en était bien ainsi.
La LCR elle-même avait été un cadre de regroupement – il y avait eu des fusions et pas seulement des scissions ! Mais elle est restée une organisation « datée », identifiée à la radicalisation des années 1960-1970.
En France, dans le passé récent, toutes les tentatives pour construire par le biais d’un bloc unitaire une représentation politique « contemporaine » des combats populaires ont avorté (à la différence du Portugal ou de la Grèce). Pas de parti ouvrier fondé en totalité ou largement par un mouvement syndical de lutte de classe comme en Corée du Sud ou au Brésil (PT des origines). Pas de scission à gauche des PC ou de la social-démocratie qui bouleverse durablement les dynamiques de radicalité. Pas de vaste mouvement social « sortant des clous » et initiant une nouvelle dialectique de type « Indignés-Podemos ».
Après tant d’impasses, la LCR a décidé de tenter une voie inédite : une reconstruction de bas en haut en lançant un appel tant aux individus qu’aux équipes militantes et organisations qui le souhaiteraient pour fonder un nouveau parti anticapitaliste. Cet appel recevant un écho très favorable, Jean-Luc Mélenchon [1] a compris qu’il était temps de quitter le PS , son courant créant d’emblée le Parti de Gauche. Les deux « façons de faire » ont été très différentes, le NPA devant naître d’un processus constituant impliquant l’ensemble des collectifs locaux. L’intérêt est que depuis 2008-2009, nous pouvons comparer deux expériences, l’une plus novatrice (le NPA), l’autre plus classique (le Front de Gauche constitué par le PCF, le PG et diverses formations regroupées aujourd’hui dans Ensemble !).
J’avais écrit en novembre 2008, à l’invitation de la revue sud-africaine Amandla !, un article sur les raisons qui nous avaient amenés à constituer une nouvelle organisation sous des formes assez inhabituelles [2]. Sept ans se sont écoulés depuis : l’occasion d’un regard rétrospectif. Je donne beaucoup d’importance, dans l’analyse qui suit, à la question des rapports entre générations politiques. Il me semble donc utile de préciser de quel « point de vue » je porte ce regard. En 1965-1966, étudiant, j’ai adhéré à la Quatrième Internationale et participé à la fondation de la Jeunesse communiste révolutionnaire (ultérieurement de la LCR). A partir de 1973, pendant une vingtaine d’années, j’ai milité au niveau international. Revenu en France en 1993, j’ai eu des responsabilités diverses, mais je n’ai pas réintégré les organes de directions nationaux. J’ai donc un regard à la fois interne (un demi-siècle de continuité) et externe (deux décennies durant lesquelles je n’ai pas directement vécu les transformations moléculaires, puis assez radicales, de mon organisation).
J’ai été très favorable au projet NPA et je continue à penser que nous devions effectivement tenter cette aventure inédite.
Les débats dans et sur le NPA se focalisent souvent sur le choix des tactiques (pour l’essentiel électorales). J’en donnerai un exemple, mais ces questions sont toujours complexes, par définition fort concrètes et difficiles à appréhender pour qui ne connaît pas bien le contexte national. Par ailleurs, là n’est pas l’essentiel. Des tactiques et des orientations très variées ont été mises en œuvre à la gauche du PS par le Front de Gauche, le PCF, le Parti de Gauche, Ensemble ! ou le NPA (sans parler d’organisations plus petites). Or, toutes ces composantes doivent faire face aujourd’hui à la crise de leurs projets.
I. « Faire du neuf », une nécessitée
Si, à la LCR, nous avons véritablement voulu « faire du neuf », c’est que nous avions conscience de la radicalité du changement d’époque et de ses implications sur les processus de construction de partis. Néanmoins, nous n’avions probablement pas mesuré à quel point cela était vrai – et à quel point, si les facteurs sous-jacents étaient de portée universelle, ils prenaient parfois des formes particulièrement aiguës en France (ou en Europe).
Durée de « l’interlude ». Dans le cadre de la Quatrième Internationale, dont la LCR était la section française, ainsi qu’en lien avec d’autres courants, ma génération avait engagé un important travail de réflexion sur les leçons stratégiques de notre expérience militante, deux décennies après notre entrée en activité [3]. Tout en sachant que la LCR n’était pas l’embryon ou le noyau du futur parti révolutionnaire, nous espérions pouvoir maintenir vivants les enseignements des années 1960-1980 jusqu’à la prochaine crise qui leur redonnerait une certaine actualité – pour analyser le présent sans perdre la mémoire du passé. La nouvelle crise est bien arrivée, mais l’interlude avait été trop long. Pour ma part, je ne m’en suis rendu compte qu’après la mort de Daniel Bensaïd (2010), dont la stature et l’autorité étaient grandes. Il apparut qu’il était l’arbre qui par son envergure cachait l’absence de forêt. La continuité évolutive d’une pensée marxiste et d’un engagement radical était rompue en France, peut-être plus encore que dans quelques autres pays européens. Un an seulement après sa fondation, la disparition de Daniel fut une grosse perte pour le NPA.
Rupture de références. Nous avions coutume de dire, entre nous, que nous étions la « dernière génération d’Octobre » (1917 et 1949) qui, tout naturellement, s’était inscrite dans le cycle de luttes ouvert par les révolutions russe et chinoise. Après la décomposition de l’URSS, la faillite du stalinisme, l’embourgeoisement croissant de la social-démocratie, le rapport des jeunes générations militantes à l’histoire n’était plus le même. Dans sa grande majorité, elles faisaient du passé table rase. Dans une certaine mesure, l’expérience précieuse des forums sociaux mondiaux et des résistances à la mondialisation capitaliste a constitué une nouvelle « expérience historique fondatrice », vécue en commun à l’échelle internationale. Elle nous a permis de sortir de l’isolement (terrible au début des années 90), de redonner ses lettres de noblesse à l’internationalisme, de développer de nombreux réseaux, mais elle s’est épuisée avant de nous permettre de nous attaquer collectivement aux grandes questions stratégiques de l’heure.
L’ordre néolibéral. Nous n’avons pas fini de payer le prix de la défaite subie par notre génération militante. La mondialisation capitaliste et l’ordre néolibéral ont désarticulé les espaces citoyens, fragmenté les consciences (l’individualisme contre le collectif), déchiré le tissu social, désarmé les politiques publiques, opposé les « identités » les unes aux autres. Le jeu institutionnel a changé. Hier, quand le mouvement ouvrier mettait trois millions de personnes dans la rue, le gouvernement français satisfaisait certaines revendications. Ce n’est plus le cas et les bureaucraties syndicales n’ont pas su répondre à cette nouvelle intransigeance – comme elles n’ont pas su et voulu mettre les moyens nécessaires à l’organisation des précaires.
De nouveaux mouvements sociaux sont nés dès le milieu des années 90 : associations de chômeurs, de sans-papiers, droit au logement, défense des « sans droits et sans voix », dynamique des luttes de femmes (1995 [4])... La gauche politique, radicale, devait intégrer à son logiciel les implications de ces bouleversements idéologiques, sociaux, institutionnels… La tâche n’était pas évidente ! Elle exigeait notamment de déployer une nouvelle pratique sociale, ce qui est beaucoup plus difficile qu’une simple modification d’orientation.
Formation sociale. En Europe, le changement nécessaire de pratique sociale s’annonçait particulièrement complexe. Les mouvements populaires d’un pays « type » du tiers monde sont confrontés aux mêmes bouleversements de paradigme que les nôtres, avec parfois des ruptures de générations encore plus tranchées qu’ici (notamment entre une génération de la lutte armée et la suivante). Mais, en revanche, il y a plus de continuité dans le travail d’organisation sociale : leurs « quartiers populaires » (bidonvilles, secteur informel, pauvres urbains), par exemple, existaient et existent toujours : ils y sont déjà implantés. Pour nombre de pays européens, dont la France, la discontinuité est en ce domaine frappante. Aucune organisation n’avait le savoir-faire, les traditions, pour organiser les chômeurs de longue durée, les précaires, les quartiers, les nouveaux pauvres urbains. Il fallait apprendre et pour cela le vouloir.
Construire un parti ? En France comme en d’autres pays, il y a un fort rejet des partis, en particulier dans la jeunesse radicalisée. Nous appelions à la construction d’un nouveau parti et, dans ce contexte, cela semblait un critère de sélection important. Force fut cependant de reconnaître que la notion même de parti était devenue pour beaucoup si vague qu’elle ne constituait pas un ciment efficace. A sa fondation, les portes du NPA étaient grandes ouvertes. Qui voulait venait, et je pense que nous ne pouvions pas faire autrement. Nous avons bénéficié d’une dynamique porteuse, d’un moment « optimiste », après l’écho extraordinaire des campagnes présidentielles du candidat de la LCR, Oliver Besancenot. Certains croyaient que nous pourrions occuper tout l’espace politique à la gauche du PS (c’était parfaitement illusoire) et que les succès électoraux se poursuivraient ; mais quand le congrès de fondation du NPA s’est tenu, la conjoncture s’inversait déjà. Il allait falloir construire un parti à contre-courant, avec à la « gauche de la gauche » un concurrent inattendu (le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon) et beaucoup d’ennemis prêts à tout pour que nous échouions. Or, la question des questions n’a jamais été sérieusement et collectivement discutée : comment passer du « parti possible » (compte notamment tenu des consciences) au « parti nécessaire » compte tenu de lendemains qui s’annonçaient orageux et qui le furent encore bien plus que les plus clairvoyants d’entre nous ne le craignaient alors.
Spécificité française ? Fin des blocs, mondialisation capitaliste, restriction croissante des espaces démocratiques, bouleversements géopolitiques, naissance de nouveaux impérialismes comme de nouvelles extrêmes droites, crise des « identités » et de la citoyenneté… Le changement de période apparaît rétrospectivement plus radical encore que nous l’avions initialement perçu – et l’émergence à gauche du neuf plus complexe. Avec, pour nous, en toile de fond, une question majeure. Nous avons connu en France de très importantes vagues de luttes sociales de 1995 à 2010 pour le moins. Elles ont été pour la plupart battues. Elles se sont reflétées (à retardement) sur le plan électoral : revers de la droite, succès électoraux d’Olivier Besancenot, puis de Jean-Luc Mélenchon (avec pour précédent celui d’Arlette Laguiller), mais sans rien qui corresponde à un mouvement des Indignés dans sa nature et son impact.
Il y a peu de pays européens où des luttes d’une telle ampleur ont eu lieu, avec si peu d’impact « novateur », durable. Il y a à cela des éléments d’explication, comme le système de protection sociale qui, bien soumis à des attaques continuelles, a rendu plus progressive la montée de la précarité. Encore aujourd’hui en France, le taux de chômage se réduit en fonction du niveau d’étude : pas de phénomène massif des « diplômés chômeurs » comme en Espagne (ou au Maroc !). Bien entendu, les choses changent ; la grande offensive contre le Code du travail ou le statut des fonctionnaires est lancée – après une succession de défaites subies par le mouvement social.
Un jour, cela « pètera ». Pour Olivier Besancenot, « ce qui manque actuellement en France, au-delà de la question de la forme que ça doit prendre (grèves, manifestations, occupations…), c’est l’irruption de la question sociale sur le devant de la scène. Il y a […] des manifestations, des mobilisations, et elles peuvent même être réussies. Mais elles sont tellement cadrées et un peu trop classiques… […] Cette irruption manque aujourd’hui cruellement […] et elle viendra d’une manière ou d’une autre. L’enjeu c’est de se préparer à cela, de se rendre disponible à ce futur dénouement. La lutte qui incarnera cette irruption ne se décrète pas. Mais les éléments d’irruption existent donc le problème est là : pour l’instant, même dans les formes de contestation, on est dans tout ce qu’il y a de plus classique, de plus répétitif. Et plus c’est comprimé, plus c’est réprimé, plus c’est contenu, et plus quand ça pètera, ça pètera dans tous les sens. [5] »
Générations. L’accumulation de forces, d’implantation, d’expériences assimilées, de liens sociaux demande du temps – donc de la continuité entre générations militantes. Cette continuité à été brisée pour les raisons indiquées ci-dessus, mais aussi pour des raisons politiques plus anciennes, propres à la France. Les Britanniques ont eu Margaret Thatcher, nous avons eu François Mitterrand – tant mieux pour nous direz vous. Pas si sûr. Après s’être fait élire sur un « programme commun » PS-PC qui apparaîtrait aujourd’hui d’un gauchisme irresponsable (et contraire à tous les traités de l’Union européenne), le régime a pris le tournant de la « rigueur » en 1983. L’ordre néolibéral a donc commencé à être introduit par un gouvernement de gauche, socialiste à participation communiste, encore auréolé de sa victoire contre une droite au pouvoir depuis 25 ans. Très efficace pour désarmer les résistances. Les années 80 représentent un « creux » pour le recrutement de nouveaux cadres à l’extrême gauche. Ce creux n’est pas seulement quantitatif. Comparé au passé, c’est une période d’engagement partiel, mesuré. Les syndicats étudiants ne « produisent » plus de radicalité politique. Jusque dans nos propres rangs, le rejet du « modèle » soixante-huitard (les années 68) a été profond. Cependant, le « modèle » de remplacement va se révéler complètement inadéquat face à la profondeur de la crise contemporaine de société.
La LCR, puis le NPA, sont les organisations où le renouvellement des générations à la direction a été le plus effectif – le « jeune facteur » Olivier Besancenot en étant le symbole évident. C’était une qualité. Néanmoins, cette fracture générationnelle a pesé dans la crise qui a secoué le NPA un an après sa fondation. La solution n’était évidemment pas que les « vieux » gardent le contrôle des rouages dirigeants. Dans un article rétrospectif, Roger Martelli (ancien cadre « refondateur » du PCF, aujourd’hui à Ensemble !), analysant l’expérience du Front de Gauche, en conclu en effet que la perpétuation du « vieux » leur a été fatale : « Continuer, c’est renoncer – Le nouveau n’adviendra que des générations nouvelles » [6]. La comparaison des expériences du NPA et du FdG en ce domaine ne manque pas d’intérêt.
Recomposition ? Pour conclure cette première partie, portons un regard rétrospectif sur la perception des « possibles » qui était la nôtre quand nous avons appelé à la constitution du NPA. Dans la foulée de deux succès remarquables des campagnes présidentielles d’Olivier Besancenot, nous savions qu’il nous fallait bouger, à la différence de Lutte ouvrière après les succès d’Arlette Laguiller. Elargir était de notre responsabilité. Elargir signifiait prendre réellement en compte le changement d’époque. Nous disions « Nouvelle période, nouveau programme, nouveau parti » – sans vouloir pour autant enterrer les leçons essentielles des décennies passées. Mais nous pensions « nouvelle période », plutôt que « fin d’une époque ». Nous tirions un trait optimiste entre les grandes grèves de 1995, le souffle altermondialiste, l’entrée en lice militante de nouvelles générations capables de faire front face à la répression (contre-G8 de Gênes en 2001), la victoire du Non au premier projet de « Constitution » européenne (2005).
Nous vivions une vague montante des résistances, avec des aspects effectivement remarquables, alors qu’en réalité les rapports de force entre classes se dégradaient profondément. De plus, les succès électoraux nous faisaient entrer en France dans la « grande politique » ; cependant, vu la réalité de notre organisation et de son implantation sociale, comme on dit ici, nous « pétions plus haut que notre cul ». Il fallait en profiter, mais cela ne pouvait durer. A nos yeux, la crise financière de 2007-2008 devait donner un coup de fouet à l’anticapitalisme ; ce fut en fait un premier « rendez-vous manqué » : l’appel à en finir avec la dictature de la finance par la transformation du système bancaire en service public est resté confidentiel. Cela aurait dû nous alerter.
Nous avons ainsi surestimé la dynamique « porteuse » de recomposition à la gauche de la gauche – et nous n’avons pas mesuré la contradiction à laquelle nous allions être confrontés : recomposer en période de recul. L’optimisme conduit facilement au triomphalisme, à ne pas accorder l’attention qu’il faudrait aux questions d’unité, de substance politique, d’organisation, de direction…
II. Succès, stagnation, régression
Le processus initial de fondation a été un véritable succès, confirmant que le projet répondait à une attente, un espoir. Le NPA a atteint quelque 9.000 membres cotisants (ce qui ne signifie pas nécessairement militants). Les travaux du congrès fondateur ont été remarquablement sérieux. Des principes politiques de références et des statuts provisoires ont été adoptés. A tous niveaux, les organes de direction ne devaient pas comprendre plus de 50% d’anciens membres de la LCR.
L’extension numérique, géographique et sociale par rapport à la LCR était significative. Des équipes politico-syndicales et des « personnalités » avec lesquelles nous avions des liens traditionnels n’ont pas voulu participer à l’aventure, mais d’autres, que nous connaissions souvent moins, se sont engagées. Le résultat était une grande hétérogénéité. Chaque collectif était marqué par le contexte militant local et l’histoire particulière de sa formation. Les groupes et individus (en particulier les « personnalités ») venaient avec leurs particularismes, leurs attentes, voire leurs ambitions – ils attendaient souvent du NPA qu’il donne une dimension nationale à leur champ et méthode propre d’intervention. Certains misaient sur le maintien d’un très haut niveau de succès électoral, les meilleurs scores d’Olivier Besancenot et de la LCR étant considérés (de façon assez illusoire) comme un niveau de référence minimum à dépasser. Nombreux étaient celles et ceux qui n’avaient aucune expérience partidaire préalable. La dissolution de la LCR, par ailleurs, allait « indépendantiser » ses fractions et courants internes.
Cette hétérogénéité de départ était inévitable, vu la nature du processus constituant du NPA. J’utilise, sans connotation négative, l’image d’un sac de pommes de terre (les groupes) et de lentilles (les individus). Le sac était de bonne taille, mais à chaque chaos, des pommes de terre et des lentilles risquaient de s’en échapper. Sous peine de perdre progressivement en substance, il fallait gagner en cohérence, en collectivisation, en unité, en niveau d’engagement. Pour ce faire, la direction du NPA s’en est largement remise à cette « dynamique » salvatrice évoquée plus haut, conduisant à un spontanéisme organisationnel.
Election. Peu après sa fondation, le NPA a été confronté à sa première épreuve électorale, au Parlement européen. Les données tactiques (politiques) étaient compliquées. Le Parti de Gauche et le NPA étaient tous deux en phase de lancement, d’autoaffirmation plus ou moins triomphaliste. Or, la question des alliances ou de la cohabitation entre partis ne se posent pas de la même manière dans cette institution que dans un parlement national « normal ». Ainsi, la LCR a pu s’intégrer, en 1999-2005, avec ses deux élu.e.s, au groupe de la GUE-NGL, où se trouvaient aussi LO et le PCF (alors que nous nous opposions à ce dernier en France sur la participation gouvernementale).
À l’époque – la GUE/NGL était alors présidée par Francis Wurtz (du PCF) –, la LCR a pu librement mener ses activités, avec souvent l’appui du groupe. J’ai moi-même, étant employé par le groupe, pu travailler étroitement avec Wurtz dans le cadre, notamment, des forums sociaux. Le fond de l’affaire, c’est évidemment que le Parlement européen n’est pas un vrai parlement avec en vis-à-vis un vrai gouvernement. Tout son fonctionnement est fort particulier (il nous a fallu un certain temps pour le comprendre…). Mais qui le sait en France ? Aux yeux du commun des mortels, l’élection européenne s’inscrit dans la continuité des législatives ou de la présidentielle.
Penser une politique unitaire en fonction des aspects spécifiques des institutions européennes était légitime, mais un tel accord aurait été perçu comme la « matrice » des prochaines échéances électorales. Pour condition de l’unité, le NPA a donc demandé qu’il y ait accord sur l’indépendance par rapport au PS et à un gouvernement « social libéral », y compris (surtout) pour les élections suivantes. Il s’est fait violemment dénoncer pour son sectarisme, perdant une bataille. Avait-il tort d’insister à ce sujet ? Tout le monde sait aujourd’hui que le Front de Gauche s’est (notamment) désarticulé précisément sur cette question des rapports avec le PS.
À très peu de choses près [7], nous aurions pu avoir une ou deux député.e.s européennes, ce qui aurait en terme de crédibilité changé la donne. Cependant, en ce domaine, même quand on rate de très peu – c’est raté. L’attraction du NPA vis-à-vis de secteurs militants ou de « personnalités » de gauche en a pâti.
Une occasion manquée. L’attention de la direction du NPA (comme celle du FdG et, hier celle de la LCR et) s’est fixée sur le champ électoral et les alliances politiques à la gauche de la gauche. Une vision, à mon sens, trop politiste et électoraliste (voir court-termiste) des priorités. La fondation du NPA a permis de multiplier les points d’entrées dans les « quartiers populaires », nous donnant l’occasion de commencer à compenser l’une de nos plus grandes faiblesses en matière d’implantation sociale. Nous aurions pu réunir tous ces « points d’entrée » : maisons de chômeurs et précaires, centres de femmes battues, équipes médicales ou enseignantes en « zones difficiles », animatrices et animateurs de centres culturels ou investis dans la protection judiciaire de la jeunesse, travailleurs sociaux, comités antiracistes, mouvements de sans-papiers ou de sans-logis et leurs soutiens, etc. Avec à l’ordre du jour : échange d’expériences, analyse des revendications portées par les habitant.e.s de ces quartiers [8], comment s’aider les uns les autres pour surmonter les difficultés propres à ce champ d’activité, à quels collectifs se lier (des associations espéraient que le NPA leur apporterait son appui pour les aider à repolitiser de l’intérieur des zones sinistrées à force d’abandon et de clientélisme [9])…
Cela n’a pas été fait. Le NPA a eu une commission d’intervention sur les lieux de travail – la CILT (en crise) –, alors qu’une grande partie du salariat (chômeurs, statuts précarisés…) ne peut plus être organisé par ce seul biais – ou essentiellement par ce biais. Quant à la commission « quartiers populaires », elle conçoit son activité comme « thématique » (avant tout l’antiracisme…). C’est-à-dire qu’il n’y a aucune structure pour penser et aider à l’organisation commune, locale de la population laborieuse des quartiers en lien avec les exigences (largement sociales) portées par les habitants, alors que l’extériorité par rapport à ces populations (qui ne date pas d’aujourd’hui) constitue l’une des principales faiblesses de la gauche radicale.
Avignon. Le prix de ce rendez-vous manqué a été très élevé quand la « crise d’Avignon » s’est ouverte. Une association, AJCREV, animée par Abdel Zahiri, avait rejoint le NPA à Avignon. Pour les élections régionales de 2010), elle a intégré à la liste électorale du Vaucluse une candidate portant le voile, Ilham Moussaïd. À l’exception de rares cas très locaux, une telle candidature était une première en France – non pas que les descendantes d’immigrés soient absentes du monde électoral et politique français, mais parce que ces dernières ne sont pas voilées. Ceci renvoie autant à l’histoire spécifique de l’immigration en France qu’au degré de sécularisation du pays (aucun grand parti n’a de référence religieuse explicite, malgré le très réel poids d’une droite catholique fort réactionnaire).
Il était prévisible qu’une telle candidature allait focaliser l’attention nationale. J’étais au Pakistan quand un quotidien local a annoncé la nouvelle. Mes camarades pakistanais m’ont demandé : « C’est bien ? » J’ai répondu : « Le ciel va nous tomber sur la tête ». Ilham est instantanément devenue la « figure » la plus connue du NPA, après Olivier. Or, l’organisation était totalement impréparée : les membres ont appris par la presse sa candidature. Sarkozy voulait « communautariser » les élections – nous voulions au contraire les centrer sur le social. Ce fut raté ! Nos nombreux ennemis, multipliant les mauvais procès, nous ont crucifiés ; mais bien des questions légitimes nous ont aussi été posées, dont le sens du voile par rapport à l’émancipation féminine ; des questions auxquelles nous n’avions pas de réponses réfléchies et collectives.
Olivier Besancenot a défendu bec et ongles la candidature l’Ilham. Dans une récente interview, il revient sur cette période, notant qu’« Une partie de la communauté musulmane […] nous en a un peu voulu vis-à-vis d’Ilham. On nous soupçonnait, même dans ces milieux-là, d’avoir cherché à instrumentaliser cette question. […] La question que les gens nous posent dans les quartiers est celle des actions que l’on peut mener ensemble, sans passer nécessairement par ce « critère » religieux. […] Une piste pour sortir de ce dilemme pourrait être, en effet, la création d’alliances, non pas avec ceux que l’on pense être des représentants d’un corps culturel et religieux préétabli, mais avec les acteurs eux-mêmes, tels qu’ils sont dans les quartiers populaires. [10] » L’un des problèmes était que le projet de l’AJCREV était précisément d’entrer dans ces quartiers par le biais de la religion (musulmane) [11]. Ilham n’était pas présentée parce qu’elle avait dirigé une lutte populaire et était, par ailleurs voilée, mais parce que le voile incarnait ce projet politique. Une fois que ledit projet à pris fin à Avignon, Ilham Moussaïd a quitté le NPA… et a retiré son voile.
Oppressions. Plutôt que de partir des réalités des quartiers populaires, le furieux débat ouvert au sein du NPA par cette expérience a été très idéologique (et émotionnel). Toutes les positions sont apparues, depuis « La religion hors de ma vue – Ni clochers ni minarets » jusqu’à présenter la burqa (le voile intégral) comme le symbole d’une lutte d’émancipation de la femme. Quelle que soit la position défendue, sur des milliers (?) de courriels, des dizaines d’écrits, seule une poignée de textes proposaient une argumentation construite sur des questions cruciales : comment articuler le combat contre les diverses oppressions (racistes, sexistes, sociales…), comment concevoir en France la laïcité [12]. Le tout a débouché sur un congrès national absolument chaotique. Un véritable trauma.
En mode mineur, le débat d’alors avait une dimension internationale (les talibans sont-ils anti-impérialistes ?) [13]. On peut espérer que sur ce plan-là, les choses se sont depuis décantées. Pour le reste, les lignes de fractures n’ont pas été comblées et traversent quasiment tous les courants constitués au sein du NPA. Par-delà les déclarations d’intention, des hiérarchisations des oppressions sont à l’œuvre (entre antiracisme et anti-sexisme par exemple) qui rendent la défense de toutes les opprimées problématique.
Personnalisation. Notre système présidentiel a poussé jusqu’à l’outrance la personnalisation du jeu électoral. Il n’y a même pas de vice-présidence : la mystique française veut qu’il s’agisse du rapport direct d’un homme (cela n’a pas encore été le cas pour une femme) au peuple. La personnalité et les capacités politiques d’Olivier Besancenot ont doté la LCR, puis le NPA, d’une envergure politique inhabituelle. Il s’est néanmoins refusé à devenir l’éternel candidat (à l’image d’Arlette Laguiller) où à identifier l’avenir du peuple-nation à sa personne (comme Jean-Luc Mélenchon). Il avait bien évidemment raison sur le fond. Il a annoncé en mai 2011 qu’il ne se représenterait pas à la présidentielle de 2012. Vu la situation qui prévalait alors dans l’organisation, cette décision à ouvert la crise de direction au sein du NPA et a précipité une crise qui couvait. Avec pour aune le baromètre électoral, une partie notable d’anciens cadres de la LCR en ont conclu l’avenir était dorénavant aux côtés de Mélenchon et au sein du Front de Gauche.
Scission. Le NPA a connu une hémorragie militante, perdant les deux tiers de ses membres nominaux. Une nouvelle organisation était née, mais pas vraiment celle que nous avions ambitionnée. Une crise s’est ouverte, coupant en deux le noyau central de direction issu de la LCR et des équipes militantes de qualité. N’espérant plus dans le NPA, une aile minoritaire de l’organisation a rejoint le Front de Gauche – en tant que Gauche anticapitaliste (GA) d’abord, puis en cofondant Ensemble ! Las, le projet du FdG est lui aussi entré en crise profonde. Quant à Ensemble !, elle est travaillée de contradictions (y compris sur l’islamisme et l’électoralisme) peut-être plus explosives encore qu’au NPA.
De fait, le noyau de direction issu de la GA a abandonné la perspective de construction d’une organisation « radicale » indépendante – qui faisait pourtant partie de l’identité de la LCR –, ce à quoi le NPA s’attache toujours. Cependant, il y a des traits communs entre « leur » crise et la « nôtre », notamment une coupure entre direction et collectifs militants. Les directions ont leurs histoires propres, au point que les collectifs locaux vivent de plus en plus leur vie, indépendamment des instances nationales. Tout n’est ici pas qu’affaire de « politique » si l’on réduit la politique à des orientations formelles. Tout est en revanche très politique si l’on considère que les questions dites d’organisation et d’engagement en font partie.
III. Engagement et fonctionnement
La loi de la gravité électorale. Que l’histoire du FdG tourne autour des élections, c’est normal vu son origine et ses objectifs premiers. Que ce soit aussi le cas pour la direction du NPA, c’est plus étrange. Paradoxe, le postier Olivier Besancenot qui fut notre meilleur candidat (vraiment excellent !), vit la politique avant tout en rapport avec le social et ressent avec inquiétude la force d’attraction de l’électoralisme : « Le temps électoral est omniprésent en France, il est étouffant, ce n’est pas simplement que ça va prendre le dessus politiquement durant les quelques mois avant l’élection, voire toute l’année avant l’élection, c’est tous les jours. La situation politique française est plombée par la question électorale. Tout le temps, à travers les sondages notamment. Donc le problème, si on réfléchit en termes de projet d’émancipation, c’est comment sortir de ce temps-là, comment essayer de créer un autre espace, un autre temps, un autre calendrier, ce qui ne veut pas dire que tu boycottes nécessairement, mais si tu arrives à créer un mouvement de masse avec d’autres milieux, qui prend ses distances par rapport à ça, qui l’attaque de biais, alors tu peux réfléchir au fait de te représenter au nom d’un projet plus général [14]. »
Les courants, fractions, blocs dans le NPA se définissent avant tout par rapport aux enjeux électoraux, au terrain électoral : quel « profil » présenter, quelles candidatures, quelle offre d’alliance, quelles consignes de vote… Cela renvoie certes à des pratiques locales plus « ouvertes » ou plus « fermées », à un vision différente du rôle que notre organisation peut jouer aujourd’hui. En simplifiant : participer en priorité à la construction d’initiatives larges (sur la question du climat, contre l’état d’urgence et la déchéance de nationalité…) ou se délimiter avant tout en affirmant à chaque occasion le « programme anti-capitaliste ». Il y a bien du fond dans ces clivages. Le problème, c’est qu’ils se formulent à partir des échéances électorales alors même que nous sommes de plus en plus marginalisés sur ce terrain : durcissement des conditions de participation aux élections, manquent de moyens financiers, capacité du Front national a capter le rejet de la « classe politique »…
La prédominance des fractions. Nous voulions que le NPA soit un creuset, intégrant l’apport historique de diverses traditions révolutionnaires (marxisme « critique », libertaire…). Les principes de références adoptées au congrès de fondation ne devaient être qu’un début et les « indéfinitions » (le NPA ne se dit pas marxiste) dépassées par une synthèse – mais la commission programme n’a jamais fonctionné. Par ailleurs, des organisations ont été intégrées, qui n’avaient aucune intention de participer à un projet commun, mais qui voulaient se construire en profitant du cadre constitué par le NPA. De fil en aiguille, le jeu des fractions a fini par miner et paralyser la direction.
Le mode de sélection des directions est ici en cause. Dans le NPA, le comité exécutif lui-même est composé au prorata des votes obtenus en congrès par les tendances. Ces tendances se perpétuent, devenant des fractions (quand elles ne l’étaient pas dès le départ). Un cadre peut se retrouver à la direction nationale avec pour seul haut fait d’armes d’avoir été la figure de proue idéologique de son courant – de quoi écrire des communiqués, mais pas diriger une implantation. Cette logique interne déjà à l’œuvre dans le LCR finissante, elle s’est épanouie plus encore dans le NPA.
Les fractions sont conservatrices. Pour survivre, elles doivent imposer éternellement les mêmes débats, ceux à partir desquels elles se sont constituées. Si la réflexion repart sur d’autres bases (ce qui est indispensable !), elles explosent. Elles bloquent donc la respiration politique et démocratique d’une organisation. Avec pour première conséquence l’immobilisme. Une partie de la direction du NPA théorise maintenant cette situation : notre organisation serait en réalité (ou devrait devenir) un « front » entre composantes « révolutionnaires » – la négation de la notion de creuset. À cela peut répondre dans l’organisation un rejet du droit de tendances, même temporaires, toutes identifiées à des fractions destructives.
La question du creuset s’est posée dans le FdG aussi : pouvait-il y avoir des adhésions individuelles et un fonctionnement collectif qui leur donne place. La réponse a été négative. Le FdG est resté prisonnier de sa dépendance envers le jeu électoral des partis fondateurs, la bureaucratie cégétiste et la pesante personnalité de Jean-Luc Mélenchon.
Révolutionnaire ? L’indépendance par rapport au PS, la volonté de construire une opposition de gauche au gouvernement Hollande sont des clivages pertinents dans la situation française, essentiel à un positionnement politique consistant. À un autre niveau, l’alternative « antilibérale » ou « anticapitaliste » aussi : elle a des implications concrètes dans le présent. La question n’est pas seulement « programmatique ». Le rejet du « système » est aujourd’hui profond. Le parti que nous voulons construire peut et doit y répondre. En revanche, la distinction formelle, que certains défendent, entre « anticapitaliste » et « révolutionnaire » ne l’est pas. Ni répéter inlassablement la catéchisme révolutionnaire en oubliant que la pédagogie, c’est l’art de la répétition.
Plus profondément, il ne faut pas se payer de mots. En effet, il n’est pas possible de construire des organisations « révolutionnaires », au sens vrai du terme, dans la France (et l’Europe ?) d’aujourd’hui.
Un parti ne se définit pas seulement par son programme, aussi important soit-il, mais encore par sa pratique réelle (qui peut être très éloignée de ses proclamations d’intention). Une pratique embryonnairement révolutionnaire, même en donnant à ce terme un sens très modeste, ne peut se déployer sans un contexte politico-social suffisamment favorable. Alors, la « vie quotidienne » d’un membre d’une formation « radicale » est différente de celle d’un membre d’un parti réformiste. C’était le cas dans les années 1960-70, ce n’était plus le cas ultérieurement. Cela va redevenir le cas – un jour.
Engagement. L’organisation révolutionnaire est, ici et aujourd’hui, un horizon ; ce qui ne veut pas dire que l’on peut continuer comme si de rien n’était. Avec la crise, la montée des précarités et l’État sécuritaire, le « modèle » français de militantisme « à la carte » des années 80-90 est caduc. Quand la répression frappe le mouvement social, quand l’insécurité généralisée engloutit des secteurs grandissants de la population – quand les désastres humanitaires se multiplient dans le monde et la crise écologique globale devient réalité –, impossible de maintenir le train-train quotidien sans se condamner à la marginalité, sans abdiquer.
Le problème s’est posé dès le lancement du NPA sous une forme particulière. Aucun membre du noyau de direction issu de la LCR et membre de la génération qui incarnait ce projet n’a voulu devenir permanent à plein temps. Il ne s’agit pas ici de juger les individus – il est plus facile de faire certains choix à vingt ans qu’à quarante balais –, mais d’une question collective. On ne peut s’en remettre à la « dynamique ». Sans elle, rien d’important n’est possible ; mais sans politique d’organisation, la dynamique ne résout rien non plus.
Il était impossible de « piloter » la construction du NPA sans une petite équipe qui s’y engage à 200 % et qui permette au collectif de direction de fonctionner efficacement. Évidemment, devenir permanent à temps plein, même pour une période limitée, n’était pas sans conséquence pour l’avenir. Cependant, nous sommes bel et bien dans une période où être « radical » exige des engagements militants aux implications durables.
Une partie de la jeunesse s’engage d’ailleurs ainsi, sans « mesurer » : les « zadistes » par exemple qui s’établissent là où il y a une « zone à défendre » contre un « grand projet inutile » – et qui certains deviennent de nouveaux paysans (à Notre-Dame-des-Landes), comme dans les années 70 au Larzac (Massif central). Nous sommes, à travers nos collectifs locaux, avec eux dans ces combats. Néanmoins, les zadistes affichent une très grande méfiance vis-à-vis des partis.
Réévaluer. La crise du NPA a révélé l’ampleur de la crise qui couvait déjà dans une LCR historiquement à bout de souffle. Elle aurait de toute façon éclaté, même si nous n’avions pas tenté de faire du « neuf » – une tentative riche d’enseignements, bien qu’elle se soit conclue sur un premier échec significatif. La scission de 2011 constitue un tournant : la division l’a emporté sur l’élargissement, ouvrant un espace plus grand aux composantes sectaires au sein de l’organisation. Il y a un avant et un après.
Le NPA « bis » reste aujourd’hui travaillé de contradictions. Il y a certes toujours une « place objective » qu’il pourrait occuper dans le panorama politique français – et qu’aucune autre organisation ne lui dispute. Il ne le fait que très partiellement, faute de capacité d’initiative de la direction nationale. Les fractures sont profondes, mais il reste un précieux capital militant qui ne doit pas être dilapidé – et qui serait revitalisé quand une conjoncture plus favorable aux luttes adviendra. Il importe, dans cette perspective, de pousser plus avant la réflexion sur des bases renouvelées à propos de grandes questions comme l’implantation sociale ; le fonctionnement et l’engagement ; le renforcement des réseaux militants en période défensive, sans trop compter sur les élections.
Pierre Rousset
Notes
[1] Ancien sénateur, ancien ministre, Jean-Luc Mélenchon a fait partie de l’aile gauche du Parti socialiste jusqu’au congrès de Reims de 2008.
[2] Voir sur ESSF (article 12105), France : Qu’y a-t-il de neuf dans la fondation du Nouveau Parti Anticapitaliste ? :
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article12105
[3] Ce travail collectif s’est notamment poursuivi lors à « l’école d’Amsterdam », à l’Institut International de Recherche et de Formation (IIRF) dont je m’occupais en 1982-1993.
[4] Voir Josette Trat, ESSF (article 37036), Luttes de femmes – La manifestation du 25 novembre et la grève de décembre 1995, un mouvement social puissant et « sexué » :
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article37036
[5] Voir sur ESSF (article 36595), Party and Movement – On the challenges facing the French left :
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article36595
[6] Voir sur ESSF (article 36784), Continuer, c’est renoncer… – « Le nouveau n’adviendra que des générations nouvelles » :
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article36784
[7] Il faut passer la barre des 5 % dans une région pour avoir un élu.
[8] Voir par exemple, pour les quartiers nord de Marseille :
ESSF (article 35710), 101 propositions pour les quartiers populaires de Marseille :
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article35710
ESSF (article 35710), 101 propositions pour les quartiers populaires de Marseille :
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article35711
ou les propositions d’AClefeu :
http://issuu.com/emanach/docs/propositions2012/
[9] Voir sur ESSF (article 17473), Guérilla politique intra-urbaine :
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article17473
[10] Op. cit.
[11] Jacques Fortin, qui a soutenu la candidature d’Ilham, décrit bien le processus « réductionniste » de ce projet. ESSF (article 19216), Quelques réflexions à la suite du départ d’Abdel Zahiri du NPA :
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article19216
[12] On trouvera sur ESSF de nombreux textes reflétant ce débat. Voir :
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?mot6425
[13] Voir sur ESSF (article 16832), Internationaliste ! – Faut-il au nom de l’internationalisme se ranger derrières les talibans ? :
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article16832
[14] Op. cit.
Texte issu du site internet d’Europe Solidaires Sans Frontières :
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