« Nous en avons assez des tergiversations et des atermoiements de tous ces “responsables’’ élus par nous qui nous déclarent “irresponsables’’(...). Nous en avons assez du racisme d’État qu’ils autorisent. »
Pierre Bourdieu
Reprenant les inepties propagées par la fachosphère, c’est un ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, qui a attaqué publiquement et devant la représentation nationale le syndicat SUD Éducation 93 pour son stage de formation syndicale « Au croisement des oppressions : où en est-on de l’antiracisme à l’école ? »
Nous sommes pour tout dire supéfait.es de cette atteinte grave aux libertés syndicales comme de la tournure que prend le débat public, virant littéralement au lynchage avec beaucoup d’amalgames, d’approximations, voire de mensonges. Cette médiatisation a des conséquences pour les militant.es de ce syndicat qui subissent depuis plusieurs jours menaces, injures, calomnies émanant de l’extrême droite. Et il est inacceptable qu’un ministre légitime cette entreprise.
Avant toute chose il faut malheureusement rappeler l’évidence : oui ce stage de formation syndicale est bien un stage antiraciste, visant à combattre les discriminations raciales.
Alors, on peut avoir des réserves sur la pertinence des méthodes employées par SUD Éducation 93 dans ce stage, dont celle qui fait couler beaucoup d’encre, les ateliers en non-mixité. Nous pouvons même, après tout, être en désaccord et en débattre. Mais il y a des impostures agitées par les détracteurs de SUD Éducation 93 que nous ne pouvons accepter.
Les deux ateliers non-mixtes (sur neuf) constituent une partie seulement du programme du stage, dont une grande part se déroule en plénière, mixte. Il ne s’agit donc absolument pas d’un stage « interdit aux blancs » comme plusieurs médias ont cru pouvoir l’affirmer.
Ces ateliers restent organisés dans un but : déconstruire des mécanismes d’oppressions avec pour finalité de mieux comprendre le racisme pour mieux le combattre aujourd’hui.
Comme l’a expérimenté le mouvement féministe avec intérêt, l’intention de la méthode de non-mixité est bien de chercher à faire avancer l’égalité… celle-là même qui s’inscrit aux frontons de nos mairies sans se traduire dans les faits pour des millions de nos concitoyen.nes. Et c’est cela qui devrait être la préoccupation des pouvoirs publics.
Mais, c’est à l’opposé de cette préoccupation que Jean-Michel Blanquer a annoncé vouloir attaquer en diffamation le syndicat SUD Éducation 93 pour l’usage des mots « racisme d’État ».
Nous demandons au ministre : faudra-t-il demain mettre au pilon l’abondante littérature scientifique qui utilise cette expression et en analyse les déclinaisons bien concrètes malheureusement ? Faudra-t-il demain bannir des ouvrages de Michel Foucault ou Pierre Bourdieu les pages qui évoquent le racisme d’État ?
Nous ne pouvons pas non plus accepter la répression syndicale et sa judiciarisation croissante, impulsée par le sommet de l’État. Au moment où Jean-Michel Blanquer attaque le syndicat SUD Éducation, Muriel Pénicaud met à pied une inspectrice du travail également membre de SUD et sanctionne deux militants de la CGT.
Le cas présent nous amène bien « au croisement des répressions » : surfant sur les paniques identitaires, le ministre de l’Éducation nationale s’aligne sur le calendrier dicté par l’extrême droite pour chercher à disqualifier le mouvement social et faire diversion face aux contestations.
Nous exigeons que toutes les poursuites à l’égard de SUD Éducation 93 soient immédiatement abandonnées.
Premier.es signataires :
Sébastien Banse, journaliste au Journal de Saint-Denis ;
Ludivine Bantigny, historienne ;
Jean-Charles Buttier, enseignant et historien ;
Manuel Cervera-Marzal, sociologue ;
Grégory Chambat, enseignant, syndicaliste, collectif Questions de classe(s) ;
Grégoire Charlot, universitaire ;
Philippe Corcuff, maître de conférences de science politique ;
Alexis Cukier, directeur de programme au Collège international de philosophie ;
Didier Epsztajn, animateur du blog « Entre les lignes, entre les mots » ;
Jules Falquet, sociologue ;
Fanny Gallot, historienne ;
Samuel Hayat, historien, chercheur au CNRS ;
Razmig Keucheyan, sociologue ;
Stathis Kouvélakis, philosophe ;
Olivier Le Cour Grandmaison, universitaire ;
Christian Leblanc, membre du Bureau national du SYNPTAC-CGT ;
Michael Löwy, sociologue ;
Christian Mahieux, Cahiers Les Utopiques, syndicaliste Solidaires ;
Philippe Marlière, politiste ;
René Monzat, membre de Espaces Marx ;
Olivier Neveux, universitaire ;
Ugo Palheta, sociologue ;
Willy Pelletier, sociologue ;
Etienne Penissat, chercheur au CNRS ;
Nicolas Poulin, ingénieur de recherche, co-secrétaire de SUD Éducation Alsace ;
Théo Roumier, Cahiers Les Utopiques, syndicaliste Solidaires ;
Patrick Silberstein, éditions Syllepse ;
François Spinner, revue N’autre école, collectif Questions de classe(s) ;
Pierre Stambul, Union juive française pour la paix ;
Eddy Talbot, secrétaire fédéral SUD PTT ;
Boris Vigneault, secrétaire général de la CGT Caisse des Dépôts ;
Olivier Vinay, élu Émancipation au Bureau national de la FSU