Dans chaque grande ville, les Mairies mettent en place des politiques urbaines désastreuses et vénales avec des projets d’aménagement. A Marseille, la politique de Jean Claude Gaudin s’est avérée criminelle.
En effet, le lundi 5 novembre, deux bâtiments se sont effondrés causant 8 mort.e.s, et un troisième a ensuite été détruit par la Mairie de peur qu’il ne s’effondre aussi. Voilà ce qui arrive quand les choix politiques des Mairies en matière d’urbanisme privilégient la « montée en gamme » des centres-villes et le développement du tourisme, au mépris des besoins les plus élémentaires des habitant.e.s.
Car à côté de cela, les travaux pour la transformation de la place Jean-Jaurès, que l’on connaît sous le nom « La Plaine », ont commencé. Le chantier de ce projet très contesté car détruisant un lieu de vie des classes populaires a été mis en place sous une protection policière qui ressemble à une opération militaire.
Ces deux évènements répondent à une même logique de gentrification : d’une part fabriquer des espaces privilégiés, réservés aux plus riches. D’autre part, laisser mourir les populations les plus précaires qui vivent dans des conditions inacceptables.
Donc sous couvert d’un aménagement, c’est la destruction d’un quartier historiquement militant, propice à la vie associative, aux initiatives solidaires, avec son marché, ses restaurants, ses bars associatifs, un terrain de jeux pour enfants où viennent les familles du quartier, des parties de pétanque ou de foot...
La « requalification » de la place, c’est 3 ans de travaux, 3 ans où la vie du quartier sera en sommeil, façon de parler puisque le bruit des marteaux-piqueurs et des bulldozers sera permanent avec l’abattage de 115 des 202 arbres.
C’est dans le quartier de Noailles que les 3 immeubles, dont la Mairie et les services publics savaient l’état de dégradation, se sont effondrés... En effet, les premiers éléments de l’enquête montrent une responsabilité accablante des pouvoirs municipaux et des bailleurs puisque les dégradations étaient clairement constatées par les service d’hygiène et de santé. Il existe même, depuis 2008, un arrêté de péril imminent pour l’un des immeubles.
A Marseille, c’est environ 40 000 logements qui sont identifiés comme insalubres. C’est la 2ème ville de France et elle est classée parmi les plus insalubre d’Europe.
Depuis la catastrophe, plus de 80 immeubles ont été évacués (pas seulement autour de la rue d’Aubagne, mais aussi dans de nombreux autres quartiers, jusque dans les quartiers Nord) avec plus d’un millier d’habitant.e.s relogées pour la plupart dans des hôtels précaires et sans avoir pu prendre leurs affaires !!
La municipalité invoque le coût élevé des rénovations des immeubles anciens des quartiers populaires. Et pourtant, de l’argent, il y en a : l’opération de la plaine s’élève à 20 millions d’euros, sans compter le mur, et il y a la construction d’un hôtel 4 étoiles sur la Canebière !
Les responsables ignorent volontairement la situation. D’un côté, les services publics laissent pourrir les immeubles des quartiers populaires. De l’autre côté, la Mairie veut aseptiser un quartier vivant et fréquenté pour en faire un lieu de consommation réservé aux plus riches et aux touristes aisés.
Non, tout ceci n’est pas une fatalité mais bien le résultat de choix politiques !
La gentrification n’est que le nom policé d’un nettoyage systématique du territoire au détriment des plus pauvres, chassés de leur quartier, dépossédés de leurs lieux de vie et de leur avenir — pour le profit de quelques-uns, promoteurs avides, marchands de sommeil, bailleurs dits « sociaux ».
La « requalification » de la place de La Plaine ne répond pas aux besoins exprimés par la population lors des deux concertations, en novembre 2015 et en mars 2017. C’est pourquoi, depuis des semaines, il y a une mobilisation déterminée des habitant.e.s et personnes fréquentant la place contre ce chantier. Il s’agit, comme dans la plupart des résistances à des grands projets nuisibles et imposés, d’une lutte protéiforme. Des actions de terrain aux manifestations joyeuses et populaires en passant par des référés : tous les moyens possibles sont utilisés pour renvoyer ce chantier aux oubliettes.
En réponse à cette mobilisation, la Mairie a érigé un mur tout autour de la place au coût d’environ 400 000 euros et a mobilisé chaque jour 150 policiers d’après le préfet de police.
Depuis le 11 octobre, c’est une présence permanente : policiers, CRS, BAC… C’est aussi des GAV, interpellations, et même une détention provisoire...
Suite à l’effondrement des immeubles, le 10 novembre, une marche blanche en hommage aux disparu.e.s été organisée (au cours de laquelle un balcon s’effondre au passage du cortège, blessant trois personnes…). Le 14 nov. Elle a rassemblé plusieurs milliers de personnes.
Mais tandis que le Maire de Marseille, après un long silence, a déclaré ne rien regretter de sa politique municipale, la tristesse a cédé la place à la colère. Face à ce mépris, la mobilisation a grandi. Et le 14 novembre, après des actions de blocage du chantier de La Plaine, la « marche de la colère » a été organisée pour dénoncer la responsabilité et le mépris de la Mairie. Elle a réuni 10 000 personnes venues exprimer chagrin et rage. Cette manifestation, à l’initiative d’associations de quartier, a été soutenue par diverses organisations politiques et syndicales (SUD, le NPA, Ensemble …). Et comme unique réponse : des grenades et des coups de matraque !
La tragédie à Marseille révèle toute une politique, et sa logique de gentrification d’un centre populaire, où les mots de réhabilitation et de requalification sont surtout synonymes d’exclusion des populations. Laisser sciemment des immeubles vétustes se dégrader pour mieux justifier leur évacuation aura donc conduit à la mort.
En cela Marseille n’est pas une exception. Les habitant.e.s des quartiers populaires des grandes villes subissent la même politique : logement, école, justice et protection de l’enfance, santé, transport, services publics…
A Toulouse, le projet Toulouse Euro Sud-Ouest (TESO) en cours illustre la même visée politique avec la construction d’un quartier d’affaires et d’un gratte-ciel proche de la gare. Dans le quartier mitoyen (Bonnefoy), c’est des expulsions, des magasins de proximité murés...
Mais ce projet a un impact sur toute la ville avec des expulsions tout au long de la 3ème ligne de métro. Par exemple, le quartier des sept deniers est voué à l’embourgeoisement avec l’évacuation des personnes habitant au canal latéral et la construction d’un golf.
On voit bien que transformations rime avec expulsions des populations les plus pauvres dans le but, à terme, d’une inaccessibilité aux centres des villes.
Le collectif « Noailles en colère » annonce une prochaine « grande marche de la dignité » le 1er décembre.
Ce n’est que le début des mobilisations contre les aménagements urbains qui profitent au processus de gentrification, à Marseille et ailleurs !