Les services de santé sociale et de proximité situés sur le site historique de La Grave resteront ! C’est ce qu’ont annoncé la mairie de Toulouse et le CHU fin juin. Un vrai recul de leur part, puisque fin mars 2018, les salariéEs des services dédiés à la prise en charge des personnes vulnérables et de la prévention des infections sexuellement transmissibles s’étaient alarmés, suite à l’annonce d’abord officieuse du CHU de Toulouse, de leur déménagement vers le site de Purpan. La raison officielle ? Les travaux d’aménagement sur le site historique de l’hôpital La Grave, en centre-ville, auraient un coût plus important que prévu. « Ce coût serait passé de 9 à 17 millions d’euros, mais nous n’avons jamais eu d’information sur les raisons de cette hausse », détaille Julie Ferrua de Sud Santé-sociaux 31.
En centre-ville pour l’accès de touTEs aux soins
Les services installés sur l’hôpital La Grave, qui ont été visés dans un premier temps, sont le Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD), qui mène notamment des activités de dépistage du VIH, la Permanence d’accès aux soins de santé (PASS) au service de personnes n’ayant pas de couverture sociale, la PASS-Psy qui s’adresse à toute personne en situation de grande précarité, la Halte santé pour les personnes vivant à la rue avec des problématiques de santé, le Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie et une partie des hospitalisations de jour de pédopsychiatrie. C’est-à-dire des services essentiels dans le cadre de la santé sexuelle et de la médecine sociale qui auraient pu se retrouver en périphérie de ville.
« Il est important que ces services restent en centre-ville, car il s’agit d’une médecine de proximité. Par exemple, le CeGIDD reçoit une majorité de lycéennes et de lycéens qui iraient moins facilement à Purpan. De la même manière, pour les personnes en situation de précarité, cela aurait été plus difficile d’accès : plus éloigné du maillage associatif existant en centre-ville, plus éloigné aussi des services de l’État, comme la préfecture, auxquels ces personnes se rendent souvent », explique Julie Ferrua.
Un collectif des salariéEs, des usagers et des habitantEs
Finalement, tous ces services resteront donc en centre-ville. Une victoire partielle obtenue « grâce à la mobilisation du personnel des services, du collectif de défense de La Grave et du soutien des médecins », note la secrétaire départementale de Sud Santé-sociaux. Car, durant deux mois, pique-niques de la colère, grèves dans les services, manifestations et interpellations n’ont cessé de s’enchaîner pour défendre les services de santé de proximité. Une mobilisation permanente qui a été initiée par un arc original de forces. La CGT du CHU de Toulouse, Sud santé-sociaux pour les syndicats, le collectif de défense de l’hôpital public, mais aussi l’association de lutte contre le VIH Act-Up, l’association de quartier Saint-Cyprien Quartier libre, Droit au logement (Dal) 31, le Groupement de défense du travail social. Et ponctuellement pour des communiqués : SOS Homophobie, Jules et Julies, Grisélidis, Unef, etc.
Cette diversité est révélatrice des problématiques soulevées par le devenir du site historique de La Grave. Tout d’abord, il s’agit de la défense de services de santé de proximité et des exigences des salariéES soutenues par les syndicats cités. Le déménagement des services s’inscrivait dans « l’austérité appliquée aux hôpitaux qui entraînent notamment la vente du patrimoine », le CHU de Toulouse cherchant à faire face à sa dette en s’en prenant à la qualité des soins et aux conditions de travail. En effet, une menace pèse toujours sur « la pédopsychiatrie, pour rapprocher le service des autres lieux comme la villa Ancely et Purpan, afin de mutualiser les équipes. Et souvent mutualisation rime avec suppression de postes », avertit Julie Ferrua.
Puis, le caractère même des services proposés à la Cité de la santé ont réveillé l’inquiétude des associations travaillant auprès des personnes en situation de précarité ou sur la santé sexuelle. "L’enjeu maintenant et l’objet de notre vigilance est que les services de santé Publique de La Grave obtiennent plus de moyens mais aussi restent dans le service public hospitalier, c’est à dire le droit commun et ne soient pas transférés à des associations ou ONG pour faire une santé pour les pauvres..." souligne Julien Terrié de la CGT du CHU de Toulouse.
Contre la gentrification de Saint-Cyprien
Enfin, « l’annonce du déménagement des services hospitaliers est apparu comme un élément participant de la gentrification du quartier Saint-Cyprien », explique Côme, militant du Dal. À l’instar de l’Occitanie Tower à Matabiau ou de la restructuration d’Arnaud-Bernard, un projet immobilier est en cours à La Grave avec des appartements et un hôtel de luxe promus par Kaufman & Broad. « Cette logique impacte la ville. Elle provoque l’expulsion de leurs logements des classes populaires vivant en centre-ville, car les loyers augmentent dans le quartier », poursuit-il. C’est à la fois pour contester cette logique et répondre au besoin de logement de personnes précaires que le Dal a ouvert une réquisition « devenue un centre solidaire Abbé Pierre qui est désormais une structure à part entière, ouverte sur le quartier ».
En plus du combat pour le maintien des services hospitaliers, pour lequel le collectif reste vigilant, « l’intrusion des promoteurs sur ce site », tels Kaufman & Broad, est aussi un front de lutte du collectif. « On ne va pas nous faire croire, dans leur logique, que l’accès au soin pour les plus pauvres est compatible avec le projet d’implanter un hôtel et des appartements de luxe sur le site, signale Côme. La bataille gagnée sur les services est un tremplin pour continuer la lutte contre le projet immobilier. La convergence des syndicats et des associations crée une force et une dynamique que craignent la mairie et le CHU ». La guerre pour une ville accessible aux classes populaires et aux précaires, que ce soit pour le logement ou la santé, continue.