« Si on passe privé, on sera pressés comme des citrons » : une idée présente dans la plupart des esprits en cette semaine de grève chez Tisséo. Ce lundi 4 octobre, la centaine de grévistes postée sur le piquet du dépôt d’Atlanta, au nord de Toulouse, cherche à ralentir (sans bloquer !) les collègues qui ont embauché au petit matin. Au volant, les sourires amicaux de jeunes collègues, peu rassuréEs d’une direction patronale peu encline à laisser s’exprimer le droit de grève. On échange un bonjour, un tract de la CGT ou du syndicat du transport, le FNCR, et quelques mots : « la privatisation des lignes, c’est pour bientôt, faut pas se laisser faire. »
Le dépôt d’Atlanta est gréviste aux trois quart, sur 350 salariéEs, celui de Langlade à un tiers, sur 600 salariéEs. Le plan de Tisséo, régie publique, s’étale sur toute la décennie 2020 : quelques petites lignes, peu rentables, seront proposées au privé et d’autres lignes seront fusionnées. Ce qui rapporte c’est surtout le métro, puis un peu le tram et les Linéo, mais pas les petites lignes – pourtant bien utiles pour un transport qui se prétend « public ».
Cette semaine, on vient au boulot mais pas pour travailler : pour défendre une sécurité de l’emploi et les conditions de travail. Tout le monde a en tête la mise en concurrence des lignes à la SNCF, notamment la ligne Nice-Marseille, attribuée à Transdev, où les cheminotEs doivent changer d’entreprise en même temps que leur ligne change d’exploitant. Les grévistes ont aussi à l’esprit les conditions de travail dans d’autres entreprises du transport, les longues amplitudes horaires et les pauses non-payées.
A un moment où les attaques pleuvent contre les salariéEs du transport, comme à Transdev où de nombreux dépôts sont en grève en banlieue parisienne, ou à Lyon dans la transport urbain, la direction de Tisséo (et les quelques éluEs qui siègent à sa direction) ont bien compris dans quel sens tourne le vent : halte aux acquis des travailleurs.euses, vive la concurrence à la baisse ! D’ailleurs, la personne siégeant à la tête de Tisséo n’est autre qu’un ancien… de Transdev. Qui prépare en douce un terrain favorable à son ex-employeur ? Il est des loyautés de classe qu’on ne change pas.
Des raisons de la colère, il y en a car cette ouverture à la concurrence n’a qu’un seul but, toujours et partout le même : mettre en concurrence les travailleurs.euses, pas les entreprises qui postulent. Bruits de couloir qui circulent pour la troisième ligne : financée par le public, potentiellement manœuvrée par le privé. La sécurité et les conditions au rabais ? Alors certains ont posé la semaine, d’autres quelques heures.
Derrière les odeurs de grillade, cette lutte contre la mise en concurrence donne une preuve des nombreuses contradictions du capitalisme : une attaque contre les travailleurs.euses en période dite de « crise » et une aberration écologique (la rentabilité en terme de transport n’a jamais fait bon ménage avec l’écologie).
Les grévistes viennent mettre un coin dans le début de la machine infernale, on ne peut que les soutenir.