Interview de Fanny Monbeig, enseignante au collège R.Badiou et militante à SUD éducation.
Le Conseil Départemental (CD) annonce la fermeture des collèges R.Badiou (La Reynerie) et Bellefontaine. En attendant la construction hypothétique de nouveaux collèges, les élèves de La Reynerie et de Bellefontaine seront éparpillés dans les collèges Fermat, Les Chalets, Bellevue, Rostand (Balma) et De Vinci (Tournefeuille). Nous avons rencontré Fanny Monbeig, pour faire le point sur le projet et la mobilisation qui le conteste.
NPA 31 : Pourquoi les personnels et les parents d’élèves se mobilisent contre ce projet ?
Fanny Monbeig : A la rentrée 2017, les classes de 6ème seront fermées à Badiou. En 2018, les classes de 5ème et ainsi de suite jusqu’à vider le collège. Pourtant, la construction du nouveau collège n’a pas commencé. Le CD n’a même pas encore de terrain ! En attendant, les élèves seront scolarisés loin de chez eux, jusqu’à Balma ! Cela va imposer des temps de transports importants. Une seule navette le matin et une le soir transportera les élèves. Cela va dégrader les conditions d’études des élèves et aggraver les phénomènes de décrochage scolaire.
NPA 31 : Le Conseil Départemental prétend développer la mixité sociale au profit des élèves « défavorisés ». Qu’en penses-tu ?
FM : Le CD nous a présenté ce projet au nom de la mixité sociale. Dans nos rencontres ils ont souvent parlé de « collèges ethnicisés », on a pu ressentir un fond raciste et méprisant. Dès le départ il y a confusion entre mixité sociale et mixité scolaire. Le CD ne veut pas voir qu’on a aussi des bons élèves dans nos collèges, et qu’ils s’y sentent bien. Il n’y aucune raison de fermer ces collèges dans la précipitation.
Nous nous battons pour l’égalité sociale, pour en obtenir les moyens nécessaires. Et on constate que le rectorat agit en sens inverse : ils nous ont supprimé un poste de CPE, un de professeur documentaliste, un poste de directeur de SEGPA et un d’assistant d’éducation.
Finalement, la mixité sociale sert d’écran de fumée pour détruire un service public de proximité. Les élèves vont perdre le bénéfice des quelques moyens de l’éducation prioritaire.
NPA 31 : La question d’un collège de proximité occupe une place centrale dans la mobilisation des enseignants et des parents. Pourquoi est-ce si important ?
FM : D’une part les fortes contraintes quotidiennes liées au transport et aux emplois du temps constitueront une difficulté supplémentaire pour les élèves. Et c’est déjà beaucoup ! Il faut 50 minutes pour aller de La Reynerie à Balma.
Cependant il n’y a pas que les transports. La précarité, la pression policière, sont des données qui pèsent sur la scolarité de nos élèves. A Badiou ou Bellefontaine, les personnels connaissent les problématiques du quartier et les prennent en compte. Des projets sont mis en place avec les parents, avec le quartier. Par exemple, on a un cours de français langue seconde pour les parents d’élèves qui ne le parlent pas. Des parents pris en tenaille par des horaires décalés, les jeunes enfants à récupérer à l’école, arrivent à participer, ce ne sera plus le cas.
NPA 31 : Justement que pensent les parents ?
FM : Il y a des parents du quartier qui dérogent à la carte scolaire. En ce qui concerne les parents d’élèves du collège, il y a un rapport de confiance établi depuis longtemps avec les personnels éducatifs. Pour l’instant on n’a pas entendu de parents de nos élèves défendre le projet. La FCPE locale s’est positionnée contre le projet. Une AG a réuni environ 40 parents et s’est positionnée contre le projet. Les parents se mobilisent avec nous et prévoient des actions. Hier, mardi 17 janvier, une soixantaine de parents ont occupé le bureau de la directrice de l’école Gallia (Reynerie) afin de marquer leur opposition au déplacement des CM2 de cette école à Balma l’an prochain. L’IPR a été obligée de se déplacer et de les entendre.
Du côté des personnels, l’opposition au projet n’est pas unanime, mais elle est majoritaire. Plus de la moitié de la salle des profs sera en grève jeudi 19, plusieurs AED aussi, et les agents territoriaux se mobilisent également : la cantine sera fermée.
NPA 31 : Quelles sont vos revendications ?
FM : Pour nous la priorité est d’empêcher la fermeture précipitée des collèges Badiou et Bellefontaine. On n’est pas opposés à la construction de nouveaux collèges mais on s’oppose à la fermeture tant que les nouveaux ne sont pas construits. Et on revendique qu’ils soient construits dans nos quartiers. Le CD nous parle d’une éventuelle construction à Saint-Simon, c’est beaucoup trop loin.
Ensuite on revendique la restitution des postes supprimés ces dernières années et le maintient du REP + (Réseau Education Prioritaire – écoles et collège) même après construction des nouveaux collèges.
NPA 31 : Quelles sont les perspectives de la mobilisation ?
FM : Une AG a rassemblé des collèges et lycées de l’éducation prioritaire jeudi 12 janvier.
On a décidé de s’appuyer sur l’appel national à la grève du collectif Touche Pas A Ma ZEP. Une intersyndicale CGT-FO-SUD appelle à la grève jeudi 19 janvier. On n’a pas pu tomber d’accord pour une mobilisation commune avec la direction de la FSU 31 qui soutient le projet « mixité sociale » alors que ses sections locales de Badiou et Bellefontaine se mobilisent contre le projet.
On appelle à un rassemblement à midi devant la préfecture, puis à 16h place Abbal à La Reynerie, et à 18h à participer à une réunion publique au collège Bellefontaine.
Le vote du projet est prévu pour le mardi 24 janvier donc on organisera d’autres actions à ce moment. Une AG parents-habitants du quartier Reynerie appelle également à une mobilisation sur le collège Reynerie le 31 janvier.