Ce mardi 29 septembre, nous rencontrons aux Izards, dans le local de l’association Izards Attitude, Yamina, coordinatrice de l’association et Tayeb du Tactikollectif.
Le but principal de la rencontre n’est pas de discuter du point de vue de l’association sur les événements dramatiques qui frappent le quartier depuis plusieurs années et cet été encore [1], mais de comprendre et de faire connaître l’expérience tout à fait originale d’Izards Attitude.
Les Izards, c’est en quelque sorte un petit village de 5500 habitants et on aurait pu penser qu’une rénovation, entamée déjà depuis 2008, aurait pu changer la donne sur un territoire bien plus réduit que d’autres quartiers de la ville. Mais comme l’explique Yamina, « avant, tout le monde se connaissait et maintenant, avec les démolitions d’immeubles, des départs et une population nouvelle, on ne connaît même plus ses voisins de palier [...] il n’y a plus de points de rencontre dans les immeubles, et la mise en place de digicodes écarte encore plus les personnes âgées et analphabètes de la vie de la cité car elles ont du mal à les utiliser ». Le tissu associatif s’est fortement réduit, notamment faute de subventions suffisantes. Et puis il y a eu la mort de Nabil, 18 ans, le 11 décembre 2013, tué par balle quelques jours après une première fusillade.
C’est à partir de cette même année que les femmes du quartier commencent à s’organiser collectivement pour réagir face à une situation qui ne fait que s’aggraver : « huit sont tombés en moins de sept ans et au moins 10 blessés sérieux dont un est toujours en fauteuil roulant » rappelle Emmanuel Rondié. Il s’agit pour ces femmes à travers l’association Izards Attitude de recréer du lien social, et refaire vivre la vie de quartier. Ces femmes - souvent aussi mères - ont décidé d’intervenir auprès des jeunes du quartier, auprès des enfants qu’ils soient ou non les leurs. Notamment avec leur projet d’aide aux devoirs. Ce projet regroupe parents, enfants, bénévoles ainsi que les femmes d’Izards Attitude qui animent et créent du lien entre les différents acteurs. Une formation des parents est organisée avec jeux de rôle. Cette implication des mères dans l’aide aux devoirs se traduit par un changement dans les rapports avec l’institution scolaire : lors de convocation des parents par l’enseignant.e, les parents, et notamment les mères, peuvent s’appuyer sur leur expérience pour discuter de difficultés de leur enfant dans une relation de médiation, plus équilibrée avec l’institution.
De plus, l’intervention de l’association ne se limite pas à l’aide aux devoirs. Les actions de l’association touchent près de 80 familles, avec l’appui d’une vingtaine de bénévoles. Cet été deux séjours dans le Lot et à Saint-Jean-de-Luz ont été organisés, ainsi qu’une « fête du Bac », une fête de quartier, etc…
Pour mener à bien ces projets Izards Attitude a dû investir en 2014 un local inoccupé. Elle dispose depuis novembre 2018 d’un local, au pied d’une tour, loué pour environ 240 €/mois. Cela n’a été possible que par l’aide de la Fondation de l’Abbé Pierre, sollicitée par le Tactikollectif. Car les diverses subventions des collectivités locales restent insuffisantes.
Et puis, ce 18 septembre, trois jours après une nouvelle fusillade, des habitant-e-s prennent l’initiative d’appeler à un rassemblement au cœur du quartier, place Micoulaud, non seulement pour protester contre ces violences meurtrières, mais aussi pour affirmer haut et fort que l’espace public leur appartient, à elles, à leurs enfants, à toutes celles et ceux qui souffrent dans ce quartier.
Notre entretien se termine par un échange sur les questions de la drogue. Mais que dire de plus que ce que nous savons déjà par les témoignages et articles de presse (1). Car, comme le dit Tayeb, s’il n’y avait pas les morts, on ne parlerait pas des Izards, et pourtant, pour ce qui est de la drogue, des dealers et surtout de la « clientèle » venant d’autres quartiers ou d’autres villes, la situation est à peu près la même dans bien d’autres quartiers toulousains.
De ce point de vue la réponse sécuritaire de J.L. Moudenc, demandant à l’Etat de nouveaux renforts policiers ne règlera strictement rien. Et surtout pas la question centrale du chômage dans une cité où son taux de 27% reste bien plus élevé que celui des autres quartiers populaires de la ville.
Ici comme ailleurs, la lutte pour un monde meilleur ne peut passer que par l’auto-organisation des exploité.e.s, des couches populaires prenant directement en main leurs affaires. L’expérience des mères des Izards, avec leur association Izards Attitude, est de ce point de vue porteuse d’espoir [2]. Et la meilleure façon de soutenir leur action est de la faire connaître et de se proposer comme bénévole pour l’aide aux devoirs.
Emma, Lucien, Pauline, membres du NPA-31.