Source : Presse-toi à gauche
"Troisieme Intifada" ? s’interrogent les editorialistes. La question me semble sans grande importance : ce qui est certain par contre, c’est que nous sommes temoins de la fin d’une longue periode de calme relatif en Cisjordanie occupee, en particulier a Jerusalem et dans sa grande banlieue. Un calme relatif lie a l’attente d’un eventuel debouche des initiatives diplomatiques menees par Mahmoud Abbas sous les conseils-pressions des Etats-Unis et des pays de l’Union Europeenne. Tout semble indiquer que le long sursis donne au President palestinien par sa propre population touche a sa fin. Abou Mazen n’a rien obtenu, ne serait-ce que dans le domaine du symbolique. Au contraire, il s’est attrape des gifles humiliantes de la part d’un gouvernement israelien qui se refuse meme a faire semblant de jouer dans la piece tragico-grotesque que l’on nomme "processus de paix".
Les dernieres provocations israeliennes se sont passees sur l’Esplanade des Mosquees, le site le plus sensible pour les Palestiniens (et pour un milliard et demi de musulmans a travers le monde) sous la forme de parades musclees de la part de plusieurs ministres et deputes de la droite au pouvoir, et la profanation d’el Aqsa par les forces de police israeliennes.
Si l’on s’obstine a appeler les evenements actuels "Intifada", il est vraisemblable qu’on la nommera l’"Intifada des couteaux", c’est-à-dire une longue serie d’initiatives individuelles ou des hommes et des femmes, jeunes pour la plupart, s’en prennent a des soldats ou a des civils israeliens avec un couteau, un cutter ou meme un tournevis. Ils savent qu’ils risquent leur vie, d’autant que Netanyahou et ses sbires ont appele la population a s’armer er a tirer sur ceux qui attaquent des Juifs, "tirer pour tuer" ont-ils insiste. Comme l’indique Gideon Levi dans le Haaretz du 11 Octobre, il s’agit la d’executions sommaires de quiconque leve la main sur un Juif. Cette pratique sauvage s’etant confirmee au cours des derniers jours, toute agression palestinienne d’un israelien, civil ou militaire, devient en fait une operation suicide.
Il est important de souligner que ces actes suicides ne sont pas le fait de militants organises, et ne sont pas commandites par tel ou tel mouvement national palestinien ; c’est d’ailleurs ce qui explique l’incapacite des services de renseignements a prevenir ces attaques : une jeune femme se leve un matin, prend un tournevis et attaque un israelien, en uniforme ou non, en sachant qu’elle a toutes les chances, ou presque, d’y laisser sa vie. C’est dire l’etat de desespoir d’une population palestinienne qui a perdu toute forme d’illusion sur le "processus de paix".
C’est dire aussi l’isolement grandissant de Mahmoud Abbas part rapport a son peuple, continuant ses gesticulations diplomatiques stériles alors qu’il n’a aucun partenaire, ou plutôt, qu’en face de lui se trouve un gouvernement dont l’intransigeance et le comportement provocateur le tournent en ridicule.
Quand a la dite communaute internationale, elle appelle scandaleusement a "la fin de la violence des deux cotes", et se garde bien d’utiliser les moyens dont elle dispose pour imposer a l’Etat colonial israelien la mise en œuvre de resolutions qu’elle adopte regulierement tout en continuant a traiter Israel comme un allie fiable et un partenaire avec lequel il est bon de faire des affaires.
Michel Warschawski, le 13 octobre 2015