Il est des télescopages de calendrier qui dépassent le simple symbole et semblent cristalliser toute une période historique à l’échelle mondiale. Ainsi, et à quelques jours de distance seulement, le retrait calamiteux de l’armée US d’Afghanistan, le 20e anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 et l’ouverture, en France, du procès fleuve des attentats du 13 novembre 2015, apparaissent comme un concentré de bien des phénomènes — et bien des drames — qui ont cours depuis deux décennies.
Le bilan des 20 ans de la « guerre contre le terrorisme » est aussi catastrophique que ses conséquences sont incommensurables. Et la leçon, connue depuis le début mais désormais indéniable par le fait du temps, est cuisante : la guerre n’apporte pas la démocratie, ni le bonheur des peuples, et le recours à la force brutale et la violence militaire ne fait qu’engendrer toujours plus de violences et de chaos.
On trouvera difficilement une facette de la vie (inter)nationale de cette planète qui n’ait pas été, à un titre ou un autre, largement déterminée par la « guerre contre le terrorisme » depuis 20 ans : une interminable guerre en Afghanistan, sanctionnée par un retour des Talibans au pouvoir ; un chaos absolu et inédit dans la zone irako-syrienne, culminant dans l’effondrement de l’Irak et l’émergence du monstre Daech ; des dépenses militaires qui se comptent en milliers de milliards de dollars, pour le plus grand bonheur des complexes militaro-industriels ; l’instrumentalisation jusqu’à l’absurde de la rhétorique anti-terroriste à des fins internes et externes par la quasi-totalité des régimes du globe, niant progressivement toute forme d’opposition politique légitime ; le développement de la société de surveillance et sa militarisation à coup d’état d’urgence devenu norme quotidienne, en réalité destinée à mater toute résistance sociale contre le néo-libéralisme décadent ; l’avènement de l’islamophobie comme nouvelle forme dominante du racisme et ciment du suprématisme blanc par delà des différences nationales ; la recrudescence en boomerang d’attentats dans les pays « occidentaux », commis avant tout par des jeunes des pays concernés, symptôme d’un désespoir et d’une marginalisation extrêmes, dont les racines sont à trouver dans des décennies de racisme structurel…
« Leurs guerres, nos morts », avions-nous affirmé lors des attentats du 13 Novembre, parce que nous n’étions pas de ceux qui refusaient de faire le lien entre ces attentats et les politiques racistes, coloniales et impérialistes de la France et de ses alliés. Des politiques menées au nom de prétentions civilisationnelles, synonymes de guerres, de misère, de chaos, et véritable carburant pour les groupes jihadistes, au premier rang desquels, à l’époque, le sinistre « État islamique ». Six ans plus tard, nous n’avons rien oublié, et nous ne céderons pas plus aujourd’hui que nous n’avions alors cédé aux sirènes du chauvinisme, de « l’union nationale » et de la fuite en avant liberticide et islamophobe.
Le procès des attentats perpétrés par des fanatiques de Daech est donc l’occasion tout à la fois de rappeler notre soutien aux familles et aux proches des victimes, ainsi qu’aux survivantEs traumatisés, mais aussi de réitérer notre refus de dédouaner la France et ses dirigeants de leurs responsabilités dans la tragédie du 13 Novembre et dans les futures tragédies qui pourraient survenir. À l’heure où les infâmes talibans sont revenus au pouvoir à Kaboul avec la complicité des USA, démonstration éclatante du cynisme des artisans de la « guerre contre le terrorisme » et des dangers que celle-ci continue de faire peser sur les peuples, nous le réaffirmons, a fortiori à l’aune d’une crise climatique qui renforce encore notre conviction : les politiques racistes et impérialistes n’ont apporté, aux quatre coins du monde, que davantage de guerres, d’oppression, de misère, de discriminations et de violences. Plus que jamais : écosocialisme ou barbarie !
Le mercredi 8 septembre 2021