Nous avons réalisé un nouveau point avec Andreu Coll après la manifestation de dimanche à Barcelone. Ce qui l’emportait au lendemain, c’est la crainte de la pression réactionnaire et d’une répression sans précédent contre le mouvement.
Quel est le sens politique de la manifestation ?
La manifestation de dimanche était terrible, il y avait 300 000 personnes. Une partie venait de l’extérieur de la Catalogne, mais la très grande majorité venait d’ici. C’est une très mauvaise nouvelle car cela renforce le bloc réactionnaire et prépare l’opinion publique pour les mesures répressives qui vont arriver cette semaine.
L’article 1551 n’est pas applicable sans mettre en place un système de répression exceptionnellement fort. Ils vont donc devoir appliquer l’article 116, ce qui veut dire l’état d’urgence, l’état d’exception ou de siège. Ils ont besoin du PSOE pour faire passer ça au parlement de Madrid.
Le deuxième est le plus probable, il nécessite une majorité absolue au Parlement de Madrid. Cela permettrait des arrestations de 10 jours avant de passer devant un juge, des écoutes, perquisitions de locaux et domiciles sans ordre de juges, la suspension des droits de manifestation, grève et, même, de réunion. L’État de siège reste très improbable parce qu’il nécessite une majorité des deux tiers au Parlement… mais il permettrait l’intervention de l’armée et des couvre feux.
Le discours du roi était sans doute adressé à eux pour les discipliner.
Tous les partis qui votent pour l’autodétermination ou l’indépendance vont être attaqués, d’abord les parlementaires et ensuite les directions des organisations. Ils risquent de faire comme en Euskadi, avec le prétexte de l’ETA, pour interdire les partis. Ça dépend de ce qui se passe demain.
Il n’y aura pas de vote, ce sera un discours de Puigdemont, qu’il va essayer de faire le plus mou possible, mais ce sera une déclaration d’indépendance quand même. Donc il est possible que l’État d’exception s’applique dès jeudi ou vendredi…
Quel était la composition de la manifestation de dimanche ?
A la manifestation, il y avait des « antinationalistes », des gens de centre gauche, mais aussi tous les partis fascistes. Il y a eu des incidents avec les fachos, qui ont essayé d’agresser des journalistes. Il y a eu des incidents aux métros, ils se sont arrêtés en bas des immeubles où il y avait des drapeaux, pour menacer les gens. Mais c’est caché par les médias officiels.
Le nombre de présents montre que la droite a peur – rappelons qu’après 68, la manifestation de la droite était énorme – mais aussi qu’il n’y a pas une majorité claire pour l’indépendance, beaucoup de gens manifestaient pour la première fois. Il existe un bloc réactionnaire en Catalogne, c’est clair.
Que va-t-il se passer demain pour modifier la situation ?
Pour l’instant il n’y a pas d’appel à la grève ce mardi, cela va dépendre des événements. Les syndicats sont divisés, il y avait beaucoup de membres du monde du travail à la manifestation de dimanche. Ça ressemblait un peu à la « manif pour tous », avec un mélange de droite dure, de droite mole et de gens dépolitisés, avec un niveau culturel très bas.
Puigdemont prendra la parole à la télévision, il sera bien obligé de dire quelque chose, de faire une proclamation solennelle. On est déjà occupé par les forces policières, donc la scission est une forme de suicide politique pour le gouvernement de la Generalitat : l’élite de la Guardia Civil contrôle déjà les ports, les aéroports, les infrastructures basiques… Il peut y avoir une montée hyper réactionnaire, face à une grève ou une manifestation forte.
Propos recueillis par Antoine Larrache