Le débat sur le référendum en Grande-Bretagne est dominé des deux côtés par des arguments pro-business et anti-immigrés. Dans ce contexte, le SWP a développé des arguments pour une position indépendante de gauche, en faveur d’une sortie.
Il existe des raisons puissantes de s’opposer à l’UE. La plus évidente est la façon dont elle a traité plusieurs pays de l’Europe du Sud depuis le début de la crise économique.
L’UE a été en première ligne pour imposer l’austérité en Grèce et ailleurs. Lors de la dernière phase du programme de sauvetage grec, nous avons assisté au spectacle du gouvernement de Syriza, applaudi par l’UE, taillant en morceaux les retraites. Au moment même où la mesure était votée au Parlement, et soutenue par le parti de droite et les Grecs Indépendants, dehors (sur la place Syntagma) la police anti-émeute attaquait les manifestantEs à coups de gaz lacrymogène. Cela illustre la version brutale de la mise en place du néolibéralisme par l’UE.
Prenez aussi par exemple le « pacte fiscal » qui impose des limites automatiques aux dépenses des gouvernements européens, ou bien la succession de traités de commerce néolibéraux, dont le TAFTA n’est que le plus infâme, négocié actuellement en secret par l’UE.
L’Europe forteresse
L’UE a toujours été un projet capitaliste. Mais aujourd’hui, l’UE fonctionne ouvertement dans les intérêts des grandes puissances européennes, des grandes sociétés et des banques. Loin d’assurer la paix en Europe, elle est empêtrée dans les rouages de l’impérialisme, comme en témoigne la poussée coordonnée par l’UE et l’Otan en Europe de l’Est.
Même la liberté de travailler et d’étudier à l’étranger accordée par l’UE, ne l’est qu’à un prix important. La coordination des frontières de l’Europe a créé une « Europe forteresse » qui nie la liberté de circulation à celles et ceux qui n’ont pas la chance d’être des citoyens de l’UE.
Encore une fois, c’est la Grèce qui est en première ligne. Récemment, le gouvernement grec a évacué le camp de réfugiéEs non officiel d’Idomeni, qui se trouve sur la frontière macédonienne, interdisant aux journalistes de s’approcher du camp pendant que la police a forcé sa population à intégrer des camps officiels. L’action faisait partie du pacte avec la Turquie, accompagné d’un durcissement de la répression des migrantEs, tandis qu’à l’heure actuelle, seuls 177 des 2,7 millions de Syriens coincés en Turquie ont été accueillis en Europe.
L’UE peut-elle être réformée ?
Devant ce constat, le SWP s’est joint à ceux qui s’identifient comme des opposants internationalistes à l’UE pour lancer Lexit : The Left Leave Campaign (la Campagne pour une sortie de gauche).
Nous sommes confrontés à deux arguments venant de la part d’autres forces de la gauche. Le premier argument affirme que l’UE peut être réformée. Cette idée est défendue par le dirigeant de gauche du Parti travailliste, Jeremy Corbyn. Bien qu’il ait été historiquement un opposant de l’UE, il a conclu un accord, assez tôt après son élection comme dirigeant, avec la droite du Parti très majoritaire parmi les députés du Parlement, pour faire campagne en faveur du vote pour « rester » dans l’UE.
Cependant, je n’ai pas encore entendu quelqu’un nous proposer une méthode pour réellement réformer l’UE. Celle-ci est remplie de bureaucraties non élues qui encadrent des institutions comme la Commission européenne et la Banque centrale européenne. Les décisions clés de l’UE sont prises après des marchandages entre les différents gouvernements nationaux qui se réunissent dans le Conseil européen.
Il n’existe aucun forum pan-européen, démocratique et crédible, qui puisse pousser pour des réformes. Le Parlement européen qui n’a même pas le droit de proposer des lois, ne peut certainement pas remplir cette fonction. Changer fondamentalement les choses signifierait la réécriture des traités de l’UE, ce qui nécessiterait un accord des 28 États membres.
Si la gauche gagnait dans les 28 pays, nous ne réformerions pas l’UE : nous construirions des institutions authentiquement internationalistes pour promouvoir les intérêts des travailleurEs.
Par ailleurs, la possibilité d’une marée montante de forces de gauche pro-UE capable de transformer les institutions de l’Europe est morte dans les rues d’Athènes. Est-ce que Syriza est en train de remodeler l’UE ? Ou est-ce l’inverse ? Il est temps de commencer à traiter l’UE comme nous traitons le FMI ou l’OMC : comme une institution capitaliste néolibérale que nous devrions abolir et non réformer. Cela signifie que les pays doivent voter pour la quitter.
Les conséquences d’un Brexit, l’affaiblissement du capital et de l’impérialisme
Le deuxième argument est qu’un vote pour le Brexit déplacerait le curseur de la politique vers la droite. Une sortie, nous dit-on, nous laisserait à la merci d’un gouvernement dirigé par Boris Johnson, le conservateur qui dirige la campagne pour le Brexit. Je ne vois pas bien pourquoi Johnson est considéré comme pire que David Cameron. La gauche radicale est peut-être petite, mais réduire nos attentes au niveau de vouloir soutenir une aile du Parti conservateur contre une autre pousse le pessimisme à un niveau encore jamais atteint.
De toute façon, un déplacement à droite est loin d’être inévitable. Le débat sur l’UE est en train de déchirer le Parti conservateur. Le résultat en a déjà été l’annulation de beaucoup d’attaques récentes du gouvernement.
Si la Grande-Bretagne vote pour sortir de l’UE, cela affaiblira non seulement le capital et l’impérialisme mais il provoquera aussi la démission de David Cameron comme Premier ministre. Quel que soit son successeur, il ou elle héritera d’un gouvernement profondément divisé, d’un gouvernement qui aura beaucoup de mal à rester au pouvoir. Cela donne la possibilité d’élections que Corbyn devrait gagner, ce qui créerait un terrain bien plus favorable pour la lutte contre l’austérité et le racisme.
La gauche devrait se réjouir de cette perspective et chercher à formuler les arguments socialistes pour une sortie.
Joseph Choonara (membre de la direction du Socialist Workers Party)
Intertitres de la rédaction