De mercredi à vendredi, la majorité des chantiers de production ont été à l’arrêt ou au ralenti dans l’usine de Périole. Au point qu’Airbus est prêt à accepter la livraison de tronçons T15 inachevés. Les grévistes ont utilisé l’arme la plus efficace face à un patron qui ne veut rien entendre : le frapper au porte-feuille. Pour rappel, les 5 jours de grève de décembre 2015 ont entraîné des retards de livraison jusqu’en avril sur le T15… Sans parler des retards sur l’A380 à Gimont.
Les grévistes ont montré la voie. La direction obtiendra peut-être la signature du PSE par FO et la CGC ce jeudi, mais elle aura besoin de toute façon que la production sorte encore pendant des mois de tous les ateliers de Périole, elle aura besoin que les bureaux continuent leur travail. Beaucoup de collègues ont, depuis l’annonce du plan en juin, manqué de cœur à l’ouvrage. Et la production s’en est ressentie. Mais en arrêtant la production, le message des grévistes aux vautours de Monarch et Apollo est bien plus clair : les signataires du PSE ne les représentent pas, et qu’ils ne comptent pas sur eux pour continuer à travailler la corde au cou. Les grévistes peuvent continuer à frapper durement les actionnaires au porte-feuille. Et les pénalités de retard leur feront mal.
Bien sûr les grévistes n’étaient pas majoritaires la semaine dernière. Beaucoup de collègues pensent que le coup ne les atteindra pas cette fois-ci, ou qu’il vaut mieux rester tranquilles pour avoir plus de chance de trouver un nouveau boulot. Cet état d’esprit est particulièrement répandu dans les bureaux. Mais attention ! quand Airbus ne cesse de réduire la charge de travail dans ses propres BE et se débarrasse de ses prestataires (avec à la clé des milliers de suppressions d’emplois dans les SS2I entre autres), il vaut mieux défendre son emploi actuel…
C’est le capital qui coûte, pas le travail !
Et puis ceux qui réchapperont du plan actuel seront bien seuls face à l’inéluctable plan qui suivra pour satisfaire l’appétit des actionnaires. Car Apollo et Monarch ne s’arrêteront pas à la vente de Latécoère Services et au PSE actuel. Ils ont déjà dans leurs cartons la prochaine attaque : la liquidation du site de Périole pour une juteuse opération immobilière. Alors autant se défendre ensemble, par la grève, quand les travailleurs sont encore nombreux sur le site.
La dette de 300 M€ de Latécoère, prétexte à sa prise de contrôle par Monarch et Apollo, n’est pas due à un quelconque « manque de compétitivité ». Elle est principalement due à la politique d’Airbus Group qui impose des marges trop faibles à ses sous-traitants, et à ceux de rang 1 de devenir « partenaires » du développement des avions, en en supportant les coûts et les risques (le fameux « risk sharing partner »). Autrement dit, c’est dans le super-bénéfice des 4,1 milliards d’euros de 2015 de l’EBIT d’Airbus Group que le cabinet expert du CE de Latécoère aurait dû chercher l’éponge pour effacer l’ardoise de l’entreprise, pas dans un PSE de démantèlement de ses sites industriels et de suppression des emplois.
Rien à attendre du gouvernement
Vendredi, le préfet s’est au mieux montré préoccupé par l’impact du plan « Transformation 2020 » sur le reste de la filière aéronautique toulousaine. Il va ainsi demander aux donneurs d’ordre s’ils ont des objections à ce que le BE perde 40 % de ses effectifs. Mais Airbus lui-même ne cesse de baisser les effectifs de ses BE... Quant au départ de productions vers d’autres cieux, c’est Airbus lui-même qui l’impose à ses sous-traitants depuis le plan « Power 8 » de 2007 initié par Gallois et poursuivi par Enders, avec l’aval de tous les gouvernements de droite et de gauche depuis dix ans.
Les Latécoère ne sont pas seuls
En attendant que les travailleurs de l’aéronautique en finissent avec leurs capitalistes vautours, exproprient tous les Apollo et Monarch et contrôlent l’outil de travail, d’ores et déjà, ceux de Latécoère peuvent entrer dans une grève active, en liaison avec toutes celles et tous ceux qui, tant dans l’industrie que dans les hôpitaux et les services publics, n’en peuvent plus de ces attaques continues contre leurs emplois, leurs conditions de vie et de travail.
En mai 1936, l’usine Latécoère de Montaudran avait été pionnière dans une lutte qui avait profondément changé la donne. Aujourd’hui, alors que des centaines de milliers de travailleurs et de jeunes ont montré au printemps dernier qu’ils refusent la logique ultralibérale du patronat, il est temps de faire converger nos résistances. Ceux de Latécoère ont toute leur place dans cette lutte.
Lundi 3 octobre 2016