Le 18 février 2016 - Correspondante
L’éducation populaire est un courant de pensée visant l’amélioration du système social par l’éducation hors des institutions habituelles et reconnues. A sa naissance, au XIXème siècle, l’éducation du peuple par le peuple est une nécessité et une alternative pour défendre la laïcité, pour permettre à chacun de s’épanouir et de trouver une place dans la société. Le mouvement d’éducation populaire reconnaît à chacun la volonté et la capacité de progresser et de se développer, à tous les âges de la vie. Il ne se limite pas à la diffusion de la culture académique mais accorde l’importance à la culture dite populaire (culture ouvrière, des paysans, de la banlieue, etc.). C’est un mouvement de résistance, bâti sur des valeurs (émancipation, respect de l’autre, solidarité …).
La ligue de l’Enseignement, anciennement Fédération des Œuvres Laïques (FOL), et une fédération qui a 150 ans cette année. Elle intervient sur différents domaines : CLAE (centre de loisirs associés à l’école), ADLP (accueil de loisirs de proximité), insertion, formation, conseil aux associations affiliées, séjour adaptés, cinéma ...
Elle est en redressement judiciaire et une procédure de licenciement est en cours. Outre les 37 licenciements (sur une soixantaine de personnes du siège) la direction prévoit d’arrêter l’activité des CLAE (centre de loisirs associés à l’école) et des ADLP (accueil de loisirs de proximité) ce qui se traduit par plus de 400 personnes transférées.
Dans ce contexte, une grève illimitée et une occupation des locaux ont été votés par les salarié-e-s le 9 février. La mobilisation est continue depuis cette date.
La stratégie de la direction de cette association, qui est de licencier et de se séparer de services qui apporte à l’association au lieu de développer les ressources et compétences présentes, est jugée « absurde » par les salarié-e-s.
De plus, le comité d’entreprise (CE) manquant de documents pour émettre un avis sur le plan de licenciements a demandé une rencontre avec le Conseil d’administration (CA). Il veut que ce dernier assume sa responsabilité dans cette situation. Les salarié-e-s dénoncent également les indemnités et le gros chèque donné à l’ancien secrétaire général, également membre du CA, lors de son départ en rupture conventionnelle en juillet 2015. Pendant une semaine, les grévistes se sont confrontés à une absence de dialogue dans un climat déjà tendu, à une véritable attitude de mépris de la direction et à un manque de considération de l’organe politique de l’association.
Les huissiers de justice sont intervenus chaque jour, suite à l’appel de la direction tentant ainsi d’exercer une pression sur les salarié-e-s présent-e-s : demande des identités et même menace d’assignement en justice. Une illustration de plus de la partialité totale d’une justice de classe prête à réprimé les classes populaires aux côtés du patronat.
Ce que les salarié-e-s revendiquent depuis une semaine, c’est d’obtenir les documents, un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) avec l’étude sérieuse des dizaines de projets que le CE propose depuis plusieurs années et qui ont été ignorés par la direction comme le droit d’alerte économique en 2013. Le cabinet comptable engagé par le CE révèle que l’association est viable en maintenant les activités extrascolaires.
Jeudi 18 février, le directeur général de la Ligue de l’Enseignement a annoncé lors de l’AG des salarié-e-s qu’il avait reçu un courrier de la Mairie stipulant que le marché des CLAE ne serait pas reconduit. Ce fut un coup de poignard pour les salarié-e-s. Cette décision a été prise suite à l’absence de garantie de l’association selon la Mairie. « Tout était planifié », les CLAE sont déjà à vendre (cf. les marchés publics de la ville de Toulouse). Le marché des ADLP ne va donc pas tarder.
Les salarié-e-s souhaitent, en urgence, rencontrer la Mairie afin de lui expliquer que cette décision est décidée depuis des mois et entrainera les licenciements économiques et très certainement, à terme, la liquidation. Situation dénoncée depuis 10 jours … Cette décision a-t-elle était prise en accord avec la direction ? La Mairie est-elle au courant du projet des salarié-e-s ? La stratégie de la direction est-elle de laisser porter la responsabilité à la Mairie ? La Mairie est-elle complice de ce fiasco ?
L’abandon de la gratuité de la cantine, la hausse des tarifs des CLAE, l’augmentation des tarifs des garderies, des sorties extrascolaires, la suppression de nombreux contrats d’Auxiliaires de Vie Scolaire (AVS) sont déjà des attaques qui excluent et stigmatisent les plus faibles et les plus défavorisés.
L’austérité façon Moudenc a atteint également quasiment toutes les associations sportives et culturelles de la ville. Les baisses de budget ont, entre autres, mis en péril les MJC et encouragé les petits clubs de sport à chercher des financements privés.
Certes la baisse des dotations aux collectivités locales votée par le gouvernement est scandaleuse, car c’est une manière sournoise de reporter sur celles-ci les conséquences de sa politique. Mais comment une baisse de 12 millions concernant le budget toulousain justifie le vote d’une hausse de 30 millions d’euros d’impôts nouveaux et d’une hausse généralisée des tarifs publics et des baisses de subventions aux associations ?
Le message est clair : il n’y a pas de place pour les associations militantes.
La course aux marchés publics et l’assujettissement aux politiques économiques et sociales met les associations d’éducation populaire en concurrence et on assiste à une précarisation des salarié-e-s.
Le secteur représente environ 50 % des associations pour un budget de près de 18 milliards d’euros, 680000 salariés et 6 millions de bénévoles*.
Les plus grosses structures du secteur (parmi lesquelles la Ligue de l’Enseignement, les CEMEA, les FRANCAS, Léo Lagrange), bien installées dans l’économie française, n’ont pas pour ambition de renverser le système mis en place.
L’animation politique est déléguée à des salarié-e-s et qui dit salarié-e-s dit exploitation. Sous prétexte d’une action militante, la position des salarié-e-s est compliquée : ils-elles acceptent volontiers de faire des heures supplémentaires non rémunérées au nom de l’engagement politique.
Les animateur-trice-s de centre de loisirs ou de séjours adaptés sont surexploités. Proportionnellement au nombre d’heures travaillées, le salaire est dérisoire. Ce dévouement est même contractualisé : le Contrat d’Engagement Éducatif (crée en 2006) a pour particularité de ne pas relever du code du Travail mais du Code de la Famille (juridiquement hybride et très contesté). Ce contrat permet de contourner le droit du Travail. D’une durée extensible (plafond de 48 heures hebdo, contrats signés par un-e employé-e ne pouvant excéder 80 jours sur 12 mois), et ayant un temps de repos rétractible (un jour hebdo et 11 heures consécutives minimum), il donne lieu a une rémunération au forfait. Avec 21,40 € par jour, un-e animatrice-teur qui fait une journée de 12 heures est donc rémunéré moins de 2 € de l’heure !! A cela s’ajoute une possibilité pour l’employeur de rompre le contrat pour « impossibilité pour le titulaire de continuer à exercer ses fonctions ».
Les salarié-e-s revendiquent peu leurs droits car ils-elles vivent « une bizarrerie ». L’animation, considérée comme un engagement au service des enfants, est en réalité au service de ces structures « dépolitisées », prestataires de service. Les employeurs exigent une posture professionnelle et les sacrifices d’un engagement militant.
En 2014, la réforme des rythmes scolaires augmentant les temps périscolaires a ouvert un nouveau marché. Les structures y ont répondu les unes contre les autres (sans se soucier des difficultés rencontrées par les plus petites).
Le secteur de l’éducation populaire ne sait pas négocier les conditions nécessaires au bon déroulement des activités surtout en matière de gestion du personnel. Et ce sont les animatrice-teur-s, les enfants et tous les militant-e-s de l’éducation populaires qui en subissent les conséquences.
La mise en concurrence entre associations engendre des licenciements économiques et des transferts de salarié-e-s à chaque non renouvellement de marché.
Les structures se réclamant de l’éducation populaire doivent également lutter contre toutes ces politiques, il est possible de revenir à une forme de militantisme autogéré.
Les mercredis, les taux d’encadrement des centres de loisirs s’alignent sur ceux des CLAE qui avaient diminués en septembre 2014 en passant de un-e animateur-trice pour 12 enfants à un-e animateur-trice pour 14 enfants. Ils sont également réduits durant les vacances scolaires. Et il est prévu qu’il passe à un-e animateur-trice pour 18 enfants. Les Zones d’Education Prioritaires (aujourd’hui R d’éducation prioritaires) ne bénéficient plus de taux supérieur aux autres quartiers de la ville.
Il s’agit également ici d’une attaque contre l’éducation populaire, à l’essence même du courant car comment travailler en CLAE ou ADLP dans de bonnes conditions lorsqu’il peut arriver qu’il y ait un-e animateur-trice pour 28 enfants (par exemple lors d’une absence pour enfant à soigner ou maladie). Comment faire des activités de qualités, un vrai travail pédagogique ??
Dans le cas des suppressions d’emplois à la ligue de l’enseignement à Toulouse, la Mairie semble avoir passé un accord avec La Ligue pour ne pas renouveler les contrats des CLAE et justifier ainsi le plan de licenciements. Les salarié-e-s ne sont pourtant pas responsables de la situation de l’association, ils-elles refusent que leurs emplois soient touchés, c’est inacceptable ! La Mairie de Toulouse doit se réengager financièrement pour maintenir tous les emplois et les activités de la ligue de l’enseignement.
Les luttes doivent converger. Les organisations associatives, politiques, syndicales, les parents d’élèves, les enseignant-e-s, les militant-e-s d’éducation populaire, tou-te-s les individu-e-s qui veulent se battre contre l’austérité doivent se rassembler pour inverser ce rapport de force et imposer aux « politiques » le maintien des associations d’éducation populaire et la sauvegarde des emplois des salarié-e-s de la Ligue de l’Enseignement.
Les salarié-e-s occupent toujours le siège de la ligue de l’enseignement. Vous pouvez passer les soutenir au 31, rue des Amidonniers.
Pour les soutenir :
Signer la pétition
Faites un don à la caisse de grève
Page Facebook
* Chiffres donnés par le CNAJEP (regroupement de structures d’éduc pop)