Le 22 décembre 2015 - Source npa2009.org
Les élections dans l’Etat espagnol qui se sont déroulées dimanche 20 décembre ont représenté une défaite pour la droite au pouvoir. Le Parti populaire n’a obtenu que 123 sièges sur 230, soit 63 de moins qu’il y a quatre ans. Le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) en a obtenu 90, Podemos 69 et Cuidadanos, une organisation de droite mais qui s’est construite avec un discours anti-corruption 40. Pour former un gouvernement, le candidat désigné par le roi doit obtenir la majorité absolue ou, quarante-huit heures plus tard, la majorité simple.
Nous avons interrogé Alex Merlo, attaché parlementaire du député européen Miguel Urbán Crespo, membres de Podemos et d’Anticapitalistas, la section espagnole de la IVe Internationale.
Quelles sont les conséquences des résultats des élections ?
C’est le chaos. Il n’y a pas de moyen d’avoir un gouvernement. C’est une première dans l’histoire du pays. Peut-être qu’une majorité est possible avec Cuidadanos, mais c’est peu probable. Ce parti a indiqué qu’il laisserait le plus gros parti gouverner, il ne votera donc pas contre un gouvernement dirigé par le PP. Mais cela ne fait pas une majorité. La seule solution est que le PSOE soutienne le PP. Cela va déchirer le PSOE et s’il s’allie au PP dans une grande coalition, il va exploser. Le PSOE peut s’abstenir, mais il est peu probable qu’il puisse l’assumer.
Je pense qu’on va vers de nouvelles élections dans quelques mois. C’est une période de grande instabilité politique.
Comment analyses-tu ces résultats ?
Il y a une faillite des grands partis, un effondrement dû à la corruption et un malaise social très fort. Il y a un large consensus dans le pays pour dire que les grands partis font de la merde. Une nouvelle génération, issue du mouvement des Indignés, milite pour d’autres solution, et obtient donc des résultats.
Cuidadanos a obtenu un score beaucoup plus faible que prévu. A un moment, ils avaient réussi à se positionner comme une force ni de droite, ni de gauche, mais anticorruption. Mais, pendant la campagne, ils ont indiqué qu’ils soutiendrait le PP pour former un gouvernement. Ils sont donc apparus comme un parti de droite soutenant le parti au pouvoir et ont perdu de nombreuses voix.
Qu’en est-il de la campagne de Podemos et de ses résultats ?
Les résultats de Podemos sont les meilleurs dans les régions où il y a eu une ouverture aux mouvements sociaux, ce qui était l’orientation défendue par Anticapitalistas. En Catalogne, avec le mouvement Barcelona en comú. En Galice avec une plate-forme qui vient du mouvement des Indignés, des syndicalistes, des coalitions militantes sur le logement, l’eau, les services publics. A Valencia, la coalition était moins radicale, c’était une alliance avec une scission de Izquierda Unida, avec un discours centré sur l’opposition à la corruption.
En Catalogne et au Pays Basque, Podemos est arrivé première force car il apparaît comme la force favorable à l’auto-détermination. Il en a fait une des conditions des discussions avec le PSOE.
Quels sont les effets de ces élections sur la gauche radicale ?
A côté de Podemos, Izquierda Unida s’est effondrée électoralement, elle n’obtient que deux sièges. Même si à une échelle large, Podemos est vu comme plus radical que IU, en réalité le programme de cette dernière reste plus à gauche que celui de Podemos,. D’ailleurs, nous savons que de nombreux militants de Podemos ont voté pour IU pour cette raison.
Il n’y a pas d’élu d’Anticapitalistas car les primaires à l’intérieur de Podemos se sont une nouvelle fois déroulées de façon antidémocratique, laissant complètement de côté la minorité de Podemos. Nous avons cependant une grande proximité politique avec les élus de Catalogne. Ne pas avoir d’élus au Parlement rend difficile pour nous d’être une force politique qui pèse sur les débats nationaux.
Enfin, Pablo Iglesias interpelle l’ensemble des autres partis, pour un « compromis historique », une réforme électorale (pour la proportionnelle notamment) et territoriale (pour l’autodétermination). Avec ces propositions, il abandonne la proposition d’une Assemblée constituante pour une réforme constitutionnelle et un processus de transition. Ce n’est pas une logique de rupture, mais si la situation est très intéressante car tout est déstabilisé dans le pays.
Il est maintenant clair que, dans Podemos, la sensibilité populiste souhaite s’intégrer au système et que nous allons vers des conflits internes très importants.
Nous allons voir aussi comment la situation sociale évolue car, depuis un an, tout es centré sur les questions électorales, mais il y a maintenant une accumulation d’expériences, de luttes locales qui donnent la possibilité d’une nouvelle phase de mobilisations.
Propos recueillis par Antoine Larrache