NPA Haute-Garonne
  • Toulouse : un point sur les violences policières récentes

    2 février 2019

    Lors d’une conférence de presse le 29 janvier, l’Observatoire toulousain des Pratiques Policières (qui comprend la Ligue des Droits de l’Homme, Copernic et le Syndicat des Avocats de France) a fait un point sur ses observations depuis le début du mouvement des Gilets Jaunes. Cet observatoire, dont des membres vêtus d’un gilet jaune et bleu, munis de casques, de masques à gaz et de caméras, accompagnent les manifestations, prépare un rapport mais a estimé qu’il y avait urgence à faire part de ses observations en lien avec les manifestations toulousaines de ces dernières semaines.

    En premier lieu, il est établi que ces derniers samedis l’attitude des forces de police a changé du tout au tout à 16 h 30, quand l’hélicoptère de la gendarmerie apparaissait dans le ciel du centre ville. Alors qu’avant cette heure la police reste passive (sans réaction notable même lors de petits incidents), laissant la manifestation se dérouler pacifiquement, l’arrivée de l’hélico correspond aux premiers gazages massifs (sans aucun prétexte évident, sans sommation) et à une volonté de casser la manifestation. À partir de cette heure-là les manifestants (et les passants...) qui ne veulent pas s’en aller sont considérés comme des délinquants... La chasse aux manifestants, assimilés à des « casseurs » commence alors. C’est ainsi que la préfecture n’hésite pas à annoncer le nombre ahurissant de « 800 casseurs » sur une manif.

    Au niveau de l’armement de la police, l’Observatoire confirme :
     le changement de type des grenades lacrymogènes entre le mois de novembre et aujourd’hui : les CM6 (60 g) de gaz ont été remplacées par des CM3 (240 g du même gaz). La nocivité des nuages de gaz en est fortement accrue (vomissements, nausées, intoxications durables...)
     comme l’a signalé un des fabricants des Lanceurs de Balles de Défense (les remplaçants des « flash balls »), les munitions tirées sont souvent autres que celles préconisées par le fabricant ; l’Observatoire a pu ramasser au sol des balles contenant moins de caoutchouc et donc entraînant des blessures plus graves.
     les grenades de désencerclement GLI-F4 (dont la charge de TNT disperse des blocs de caoutchouc à grande vitesse) ont été massivement utilisées.
     8 motos de « voltigeurs » sont en service, avec un passager armé entre autres d’un LBD, alors qu’il impossible viser en roulant. Une moto a traversé à grande vitesse la manifestation du 8 décembre pour tenter une interpellation...
     2 canons à eau ont été utilisés (y compris contre des manifestants bras levés.
     plusieurs fusils d’assaut ont été vus (dont heureusement aucun usage n’est avéré...)

    Face à cet armement, aucun usage par des manifestants de cocktail Molotov ou de fronde n’a été observé par l’Observatoire. La disproportion est donc extrême... Et il apparaît clairement que les policiers de la BAC et des Compagnies Départementales d’Intervention utilisent les LBD comme des armes d’attaque, visant des manifestants qui ne les mettent pas en danger. Preuve en est faite par les impacts nombreux sur l’arrière du corps. Parmi les forces de l’ordre engagées par la préfecture, l’Observatoire distingue d’ailleurs très nettement l’attitude très agressive des policiers de la BAC et des Brigades Départementales d’Intervention (principaux utilisateurs des LBD) de celle des gendarmes mobiles et des CRS. L’attitude de « cow boys » des premiers est manifeste, couplée parfois à des déguisements d’un goût douteux (dont celui de terminator dont la presse a parlé).

    A noter que, bien que les observateurs se déclarent en préfecture, les policiers les ont menacés plusieurs fois, et ont utilisé une lampe stroboscopique pour les aveugler et les empêcher de les suivre. A plusieurs reprises, des observateurs ramassant des munitions au sol ont été pris à partie et repoussés avec des coups de boucliers et des jets de gazeuses. La présence des observateurs apparaît comme une gêne pour la police : les observateurs ont pu constater que les interpellations étaient moins sauvages en leur présence (des coups de pied sur une personne au sol ont cessé).

    Des « street medics » et des journalistes ont eux aussi été victimes de violences policières. Le 19 janvier les street medics n’ont pu intervenir sur une personne qui convulsait que parce qu’il y avait un attroupement et des gens qui filmaient les policiers... Une grenade GLI a été lancée vers une photographe.

    Ces violences policières (entraînant entre autres au moins dix blessés graves par LBD) s’accompagnent bien sûr d’interpellations nombreuses, de déférements en justice (115 au moins) et de condamnations assez lourdes (121 mois de prison ferme). Une politique du chiffre qui cherche à stigmatiser le mouvement des Gilets Jaunes.

    L’Observatoire, malgré ses effectifs réduits (3 équipes de 2 ou 3 observateurs par manifestation, pendant un temps limité) a accumulé un ensemble accablant de faits de violences policières. Avant même son rapport définitif, il demande l’arrêt immédiat de l’utilisation des GLI-F4 et des LBD mais aussi le retrait des policiers de la BAC et des BRI du dispositif policier mis en place lors des manifestations. Au delà, il remet en cause la politique de la préfecture à l’encontre des manifestants, qu’ils soient Gilets Jaunes ou jeunes (en décembre les manifestations de lycéens ont été gazées, visées par des LBD...).

    Une conférence de presse qui a permis de mieux appréhender la brutalité de la répression et de mieux cerner les méthodes et les moyens utilisés par le pouvoir pour tenter d’étouffer le mouvement des Gilets Jaunes.